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JEAN TALON, INTENDANT

sentées à l’intendant pour être par lui distribuées soit au conseil, soit au lieutenant civil ou criminel, ou retenues par devers lui, suivant qu’il le jugerait convenable. C’était proclamer sa suprême magistrature, s’incliner devant lui comme devant l’arbitre et le distributeur de la justice. M. de Tracy acquiesça à cet arrêt en y apposant sa signature. Mais M. de Courcelle s’insurgea. Il commençait à prendre ombrage du pouvoir de Talon et du grand prestige dont jouissait celui-ci. Et il enregistra son dissentiment en inscrivant le protêt suivant dans le plumitif du conseil : « Cette ordonnance étant contre l’autorité du gouverneur et le bien public je ne l’ai voulu signer : Courcelle. »

Le 16 janvier suivant, à la première séance du Conseil Souverain en l’année 1668, Talon crut nécessaire de faire affirmer de nouveau sa position. Il rappela à cette assemblée que « Messire Alexandre de Prouville, chevalier, seigneur de Tracy, conseiller de Sa Majesté en ses Conseils, lieutenant-général des armées de Sa dite Majesté, étant encore en ce pays et séant en ce Conseil, il fut ordonné par arrêt du 20 août dernier que dorénavant toutes les requêtes tendant à encommencer quelque instance ou procès que ce soit seraient présentées au Sieur Talon pour être par lui distribuées en ce dit Conseil, ou renvoyées au lieutenant civil et criminel de cette ville, ou par lui retenues à soi pour en juger, » et il conclut en demandant que ledit arrêt fut exécuté. M. de Courcelle était présent ; son protêt énergique était consigné dans les procès-verbaux, et il n’en rabattait pas une syllabe. Mais le Conseil marchait avec Talon, et il ordonna que son arrêt du mois d’août fût exécuté suivant sa forme et teneur. Le gouverneur