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JEAN TALON, INTENDANT

sous) la livre. La décision du Conseil fut assez curieuse. Il ordonna que deux de ses membres, les sieurs Damours et de la Tesserie, se transporteraient chez le sieur de la Mothe pour goûter son vin et son tabac, et jauger ses futailles. Les deux conseillers s’acquittèrent de leur mission, et firent rapport ; mais les graves plumitifs officiels ne nous apprennent point si les fonctionnaires dégustateurs trouvèrent du bouquet au vin de Bordeaux, et de l’arôme au tabac de Maragnan. Le sieur de la Mothe leur servit sans doute de son meilleur et leur épargna le contenu de ses barriques gâtées. Cependant, quel que pût être l’agrément de leur visite dans les caves du négociant, ils furent incorruptibles et leur rapport ne trahit aucune faiblesse. Deux témoins affirmèrent que la Mothe leur avait vendu des barriques de vin cent livres chacune, et le capitaine Maximin, du régiment de Carignan, déclara que celui-ci lui avait vendu deux livres de tabac à un écu (soixante sous) la livre. Le tout considéré, le Conseil s’appuyant sur le tarif du 21 septembre 1666, par lequel la barrique de vin de Bordeaux et la livre de tabac du Brésil étaient tarifées respectivement à 80 livres et à 40 sous, condamna la Mothe à vingt-deux livres d’amende applicable aux pauvres de l’Hôtel-Dieu. Nous ferons remarquer en passant que les amendes avaient très souvent cette destination ; l’on mettait ainsi la justice au service de la charité.

Cependant, malgré la vigilance du conseil, les marchands s’ingéniaient à éluder le tarif. Au mois de juillet de cette même année, le syndic comparaissait de nouveau pour faire valoir un grief. On nous permettra de copier ici le plumitif : « Sur ce qui a été représenté par