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DE LA NOUVELLE-FRANCE

possible les lois de la morale chrétienne, comment cela peut-il menacer la sécurité, la stabilité, la prospérité de l’État ? Et s’il y a excès de rigidité[1], ne trouve-t-on pas dans l’Église même, dans sa discipline et ses lois, tous les tempéraments nécessaires. L’immixtion de l’autorité laïque en ce qui relève du for intérieur est un intolérable abus. Talon était ici victime de son époque, de son milieu, de sa formation administrative. L’ancien régime, tel qu’il s’est épanoui au dix-septième et au dix-huitième siècles, a été l’objet d’accusations parfois excessives et peu soutenables. Mais rien ne saurait lui faire pardonner cette odieuse main-mise de l’État sur les affaires religieuses, cette intervention constante du gouvernement dans l’exercice de la juridiction spirituelle, qui ont été l’un de ses traits caractéristiques.

Laissons de côté ce désagréable sujet, auquel il nous faudra revenir encore dans la suite de cet ouvrage, et considérons de nouveau l’intendant Talon dans un rôle plus avantageux et plus digne d’éloge.

Le 5 avril 1667, Colbert lui avait écrit pour lui annoncer que, suivant le désir du roi, il devait passer

  1. — Cette accusation de sévérité excessive dans la confession était-elle fondée ? Nous en doutons beaucoup. Les Jésuites, par exemple, étaient des théologiens et des directeurs d’âmes très éclairés. Loin de passer pour rigoristes, ils avaient au contraire été dénoncés par la secte janséniste comme des fauteurs de morale relâchée. Les fameuses Provinciales de Pascal (1656), étaient encore dans toutes les mémoires. Sans doute l’éloquent pamphlétaire avait calomnié la compagnie de Jésus, en taxant ses membres de complaisance coupable pour les pécheurs. Mais cette accusation, toute fausse qu’elle fût, indiquait toujours que les Pères n’étaient point tenus pour des confesseurs d’une rigueur outrée.