Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
DE LA NOUVELLE-FRANCE

de cette conduite des consciences, on peut entendre Monsieur Dubois, aumônier du régiment de Carignan, qui a ouï plusieurs confessions en secret, et à la dérobée, et Monsieur de Bretonvilliers sur ce qu’il a appris par les ecclésiastiques de son séminaire établi à Montréal »[1].

Voilà encore une page que nous regrettons pour la gloire de Talon. Ses récriminations manquaient de netteté. Pour étayer des accusations de cette nature, il aurait fallu des faits bien établis. Quand et comment l’évêque, les prêtres séculiers et les Jésuites avaient-ils voulu étendre leur conduite sur le temporel, et empiéter sur la police extérieure qui regarde le seul magistrat ? Était-ce dans « l’affaire de la Sainte-Famille ? » Il eût été ridicule de le prétendre ; nous l’avons démontré au chapitre précédent. Était-ce dans la question de la traite de l’eau-de-vie ? Mais nous demandons en quoi le courage et l’ardeur apostoliques avec lesquels ils luttaient contre l’abominable trafic qui dégradait, ruinait, tuait physiquement et moralement les aborigènes, constituaient une usurpation d’autorité. N’avaient-ils pas le droit, disons mieux, n’avaient-ils pas l’impérieux devoir de s’opposer à l’abrutissement et à la perversion des sauvages qu’ils voulaient conquérir à la civilisation chrétienne ? Quand ils condamnaient la traite de l’eau-de-vie comme un crime de lèse-christianisme, ils restaient absolument dans leur rôle de prêtres de Jésus-Christ ? Et quand ils demandaient au pouvoir civil de

  1. Mémoire sur l’état présent du Canada, dans la Collection de Mémoires et de Relations sur l’histoire ancienne du Canada, publiée sous la direction de la Société Littéraire et Historique de Québec ; Québec, imprimerie de William Cowan et fils, 1840.