Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
DE LA NOUVELLE-FRANCE

M. de Laval ne fut pas reprochable de ses écarts et de ses injustes prétentions. Ce fut une faiblesse à M. Talon de s’être laissé vaincre par de telles soumissions, et voilà pourquoi M. le Comte s’est servi de cet arrêt dans sa remontrance comme d’un préjugé pour montrer que M. l’Évêque ne faisait que marcher sur les traces de son prédécesseur[1]. » Nos lecteurs voient de quelle étrange manière Lamothe-Cadillac accommodait les faits. Ce gascon prenait avec la vérité de fortes licences. Mgr de Laval n’avait nullement tenté, dans « l’affaire de la Sainte-Famille, » de prévaloir sur l’autorité du gouverneur ; il n’avait voulu déchaîner aucun orage. Il avait simplement prétendu maintenir dans l’esprit de sa fondation une confrérie pieuse. Et si quelqu’un avait eu à mettre bas les armes en cette occasion, ce n’était certainement pas lui.

Ce fâcheux épisode avait-il indisposé Talon au point de le rendre hostile à l’évêque dans la grave question des dîmes, sur laquelle les chefs de la colonie eurent bientôt à conférer ? Il serait peut-être injuste de le croire. Mais il est probable que l’intendant était d’avance porté à restreindre autant que possible dans son application l’édit du mois d’avril 1663. Par cet acte royal les dîmes étaient fixées au treizième et devaient être perçues sur tout ce que la terre produit d’elle-même ou par le travail de l’homme.

  1. Lettre de Lamothe-Cadillac, 28 septembre 1694 ; Arch. prov., Man. N. F., 2ème série, vol. VII. La lettre de M. d’Auteuil, que nous avons citée avant celle-ci, lui est postérieure en date. Ce n’était évidemment pas à cette lettre que répondait l’ami et l’apologiste de Frontenac. Mais en écrivant au ministre, le procureur général n’avait fait que reproduire des arguments qu’il avait déjà soutenus devant le Conseil.