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DE LA NOUVELLE-FRANCE

le droit indéniable de les rappeler à l’observation de leurs promesses[1]. Qu’est-ce que l’intendant, ou le Conseil Souverain, avaient à voir dans une question de cet ordre ? La pratique de la perfection chrétienne, est-ce là une matière temporelle ou une matière spirituelle ? La discipline d’une association pieuse, est-ce une affaire de police ou une affaire de religion ? Que dirait-on aujourd’hui si un ministre proposait au parlement de faire une

  1. — Les règlements devinrent ultérieurement plus sévères encore. Pendant quelque temps l’article 12 contint les lignes suivantes : « en outre elles seront obligées d’éviter les danses, les bals et les assemblées de nuit, comme étant très préjudiciables à toutes les vertus chrétiennes »… (Archives de la paroisse de Québec). Cette règle a été subséquemment modifiée, comme étant d’application trop difficile. En 1694 des dames furent exclues pour avoir été au bal. On pouvait trouver cette discipline trop austère, mais personne n’était forcé d’entrer dans la confrérie.

    Cette association pieuse excita souvent la verve des esprits malveillants, et fut honorée des critiques de certains libellistes. Un diffamateur anonyme écrivit un jour à son sujet : « Il y a à Québec une congrégation de femmes et de filles qu’ils appellent la Sainte-Famille, dans laquelle on fait vœu sur les Saints Évangiles de tout dire ce que l’on sait de bien et de mal des personnes qu’on connaît. La supérieure de cette compagnie s’appelle Madame Bourdon, une Mlle  d’Ailleboust est, je crois, l’assistante, et une Madame Charron la trésorière. La compagnie s’assemble tous les jeudis dans la cathédrale à porte fermée, et là elles se disent tout ce qu’elles ont appris. C’est une espèce d’inquisition contre toutes les personnes qui ne sont pas unies avec les Jésuites. » (Pierre Margry, Établissement des Français dans l’Amérique Septentrionale, vol. I, p. 370). Cette stupide histoire donne la juste mesure du libelle méprisable où elle est enchâssée. Cette pièce, que M. Margry signale lui-même comme suspecte, est intitulée Récit d’un ami de l’abbé de Gallinée. C’est un tissu d’impostures et de calomnies.