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DE LA NOUVELLE-FRANCE

du royaume, pour l’amélioration de son commerce, de son industrie, de son agriculture, la mise en œuvre de toutes ses ressources naturelles, l’inclinaient parfois à pécher par excès de prudence quand il s’agissait de l’émigration des sujets du roi en Amérique. Cette préoccupation diminuait visiblement sa pénétration habituelle dans le passage plus haut cité. Talon ne prétendait pas dépeupler la France ; il disait simplement qu’en envoyant ici tous les ans quelques centaines de colons, on finirait par fonder une nation forte et prospère sur les rives du Saint-Laurent. L’envoi de cinq cents personnes annuellement pendant tout le règne de Louis XIV eût porté le chiffre de notre population à 500,000, en 1760[1]. Or sait-on combien la seule

    colonie qui fut envoyée cette année (1603) en Canada. Il n’y a aucune sorte de richesse à espérer de tous les pays du nouveau monde, qui sont au-delà du quatrième degré de latitude. » (Mémoires de Sully, édition de Londres, 1778. V-161).

  1. — M. Rameau a fait les calculs suivants : « Si on eût entretenu constamment un courant de 150 familles par an, de 1675 à 1700, on aurait compté au Canada, à cette dernière époque, 36,000 âmes au lieu de 14,000, et en continuant cette immigration chaque année, on fût arrivé, en 1760, avec l’accroissement naturel de 2.50 à 3% par an, à un chiffre de 488,000 âmes. En prenant pour base les calculs énoncés, première partie, note 9 du chapitre III, on aurait eu 500 francs de frais par famille, à raison de quatre personnes l’une, ce qui eût fait 75,000 francs. Mais nous ferons observer que cette évaluation de frais est fort élevée, car une dépêche de 1670 nous apprend que pour un envoi de 100 engagés et 150 filles, il fut fait un fonds de 25,000 livres, on n’évaluait donc les frais qu’à 100 francs par tête. Telle est la faible dépense de laquelle dépendait la perte ou la conservation de l’Amérique pour la France. » (La France aux colonies, p. 314).
    Vauban, qui fut à la fois un grand homme de guerre et un