Page:Chapais - Jean Talon, intendant de la Nouvelle-France (1665-1672), 1904.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
JEAN TALON, INTENDANT

parce qu’il fut attaqué d’une rétraction de nerfs ; tous deux ont à la vérité fait toute la fatigue que l’humanité peut porter[1]. »

Talon soumettait ensuite à Colbert une idée qui eût été féconde en heureux résultats si elle eût pu être réalisée. Il ne s’agissait de rien moins que de faire passer la Nouvelle-Hollande, ou en d’autres termes, la province de New-York, sous la domination du roi de France. « Si le roi, disait Talon, faisant l’accommodation de la Hollande avec l’Angleterre, stipulait la restitution de la Nouvelle-Hollande, et qu’auparavant il trouvât jour d’en traiter avec Messieurs des États (les États généraux de Hollande), j’estime qu’il le pourrait à des conditions raisonnables. Et ce pays qui ne leur est pas bien considérable, le serait fort au roi qui aurait deux entrées dans le Canada, et qui donnerait aux Français toutes les pelleteries du Nord, dont les Anglais profitent en partie par la communication qu’ils ont avec les Iroquois par Manatte et Orange, et mettrait ces nations barbares à la discrétion de Sa Majesté. Outre qu’elle pourrait toucher la Suède[2] quand il plairait et tiendrait la Nouvelle-Angleterre enfermée dans ses limites. J’ai cru devoir mettre ici cette pensée. » Certes, elle méritait bien d’y être mise, et elle dénotait chez

  1. Talon à Colbert, 13 novembre 1666 ; Arch. prov., Man. N. F. 1ère} s. vol. 1.
  2. — Talon voulait parler ici de la colonie fondée par les Suédois en 1638. Elle porta le nom de Nouvelle-Suède, fut conquise par les Hollandais en 1655, et subséquemment passa sous la domination des Anglais quand ceux-ci s’emparèrent de la Nouvelle-Hollande. La Nouvelle-Suède comprenait une partie du territoire qui forme aujourd’hui les États du Delaware et de la Pensylvanie.