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JEAN TALON, INTENDANT

prescrit en Canada ne peut qu’il ne soit expiré[1] quand j’aurai l’honneur de recevoir ses commandements ; j’espère qu’elle me fera celui de partir. Cependant quelque légitime que soit la passion que j’ai de me rapprocher d’elle pour lui continuer avec mes services mon obéissance très respectueuse, et que d’ailleurs ma santé soit ici fort souvent attaquée, je suis prêt de rester si Votre Majesté l’ordonne. Qui doit sa vie à son souverain lui doit à plus forte raison tout ce qui n’en fait que la suite et surtout la santé qu’on ne peut mieux sacrifier qu’au service de son Prince. La grâce qu’en cela je pourrais demander, est que je susse au vrai le temps que j’aurai à servir ici. — Si je n’ai pas l’honneur d’écrire de mes mains à Votre Majesté c’est que mon caractère n’est pas si lisible que celui de la main que j’emprunte »[2]. Le terme convenu du séjour de Talon au Canada devait être de deux ans. Tout en manifestant un désir raisonnable de retourner en France à l’expiration de ce temps, l’intendant se déclarait prêt à rester si tel était le bon plaisir du roi. Se conformer aux volontés, aux désirs même de son souverain, c’était pour Talon le devoir.

Quelques lecteurs seront peut-être tentés de trouver exagérées les expressions par lesquelles il manifestait son dévouement envers le monarque. Nous leur ferons observer que tels étaient le langage et les sentiments

  1. — Vieille tournure qui indique bien que Talon appartenait par sa formation littéraire plutôt à l’époque Louis XIII qu’à l’époque Louis XIV. On lit dans une lettre écrite par Corneille à Colbert au sujet du retranchement de sa pension : « Le retranchement de cette faveur ne peut qu’il ne me soit sensible au dernier point. »
  2. — Talon se rendait ici justice, car son écriture était détestable.