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JEAN TALON, INTENDANT

qu’ils appelaient leurs tambours, afin de les épouvanter et de leur donner la chasse. Il raconta donc que les Iroquois des autres villages s’étaient retirés en ce dernier qui était le meilleur et le plus fort, qu’ils l’avaient muni d’armes et de vivres pour résister aux Français, et qu’ils y avaient même fait de grandes provisions d’eau pour éteindre le feu, en cas qu’on l’y allumât ; mais que quand ils eurent vu cette grosse armée, qui paraissait de plus de quatre mille hommes, ils furent si effrayés, que le capitaine se leva et dit aux autres : Mes frères, sauvons-nous, tout le monde est contre nous. Disant cela il prit la fuite le premier, et tous les autres le suivirent. Ils ne se trompaient pas de croire l’armée si nombreuse, elle paraissait telle même à nos Français, et M. de Repentigny, qui commandait nos habitants français, m’a assuré qu’étant monté sur la montagne pour découvrir s’il n’y avait point quelques ennemis, il jeta la vue sur notre armée, qui lui parut si nombreuse qu’il crut que les bons anges s’y étaient joints, dont il demeura tout éperdu ; ce sont ses termes. Quoiqu’il en soit, Dieu a fait à nos gens ce qu’il fit autrefois à son peuple, qui jetait l’épouvante dans l’esprit de ses ennemis, en sorte qu’ils en demeuraient victorieux sans combattre. »

Cette fois l’œuvre était complétée, et l’armée conquérante, épuisée par près de vingt-quatre heures de marche et d’efforts, put bivouaquer et dormir en paix, à l’abri de l’enceinte et des cabanes d’Andaraqué. Le lendemain, quand le jour parut, elle fut étonnée du spectacle qui s’offrait à ses regards. Au lieu d’un amas de misérables wigwams, elle avait sous les yeux un bourg considérable, composé de vastes cabanes en menui-