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DE LA NOUVELLE-FRANCE

quand une femme algonquine, jadis captive des Iroquois, informa M. de Courcelle qu’il y en avait encore deux. On trouva la quatrième déserte, comme les trois autres. Le soleil était sur le point de disparaître à l’horizon, et il semblait impossible de marcher ce jour-là contre la cinquième bourgade ; mais cette femme s’armant d’un pistolet, saisit par la main M. de Courcelle et lui dit : « Viens, je vais te conduire tout droit. » Alors prenant la tête avec le gouverneur et M. de Chaumont, elle guida l’armée jusqu’à la bourgade et au fort d’Andaraqué. C’était la plus grande et la plus forte place de tout le canton d’Agnier. Elle était entourée d’une triple palissade haute de vingt pieds, et flanquée de quatre bastions. Des caisses d’écorce pleines d’eau étaient disposées sur les plates-formes pour éteindre le feu en cas de besoin.

Les Iroquois auraient pu y faire une défense désespérée et infliger de grandes pertes à nos troupes. Telle était d’abord leur intention, mais, au dernier moment la crainte d’être exterminés l’emporta sur leur audace habituelle et les persuada de chercher leur salut dans la fuite. « Voici comme on le sut », écrit la Mère de l’Incarnation. « L’on trouva là deux vieilles femmes avec un vieillard et un jeune garçon ; M. de Tracy voulut leur donner la vie, mais les deux femmes aimèrent mieux se jeter dans le feu que de voir brûler leur bourg et perdre tous leurs biens. Le jeune enfant, qui est fort joli, a été amené ici. L’on trouva le vieillard sous un canot, où il s’était caché quand il entendit les tambours, s’imaginant que c’étaient des démons, et ne croyant pas que les Français voulussent les perdre, mais qu’ils se servaient de leurs démons, c’est ainsi