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DE LA NOUVELLE-FRANCE

qu’on lit le récit de cette expédition on pense immédiatement à la désastreuse campagne de Russie, où périt la grande armée qui avait vaincu l’Europe. Et, tout en déplorant le manque de prévoyance des chefs, on se sent pris d’admiration pour l’intrépidité, l’endurance, l’héroïsme de cette poignée de preux qui bravaient tant de périls pour aller écraser chez elle la barbarie iroquoise.

Le manque de guides produisit son inévitable résultat. La petite armée « tenta des routes inconnues et s’engagea dans des égarements continuels. » Si bien que le 14 février, au lieu d’atteindre le canton agnier, elle se trouva rendue à la Nouvelle-Hollande, qui en était éloignée d’environ vingt lieues. Deux cabanes iroquoises enlevées auprès d’une bourgade hollandaise[1], à six lieues d’Orange, et quatre iroquois « tués en escarmouchant dans la campagne, » — rencontre qui coûta la vie à six français[2], — tels furent les seuls faits d’armes de cette malheureuse entreprise. Le commandant hollandais, ayant informé M. de Courcelle que les Agniers et les Onneyouts étaient allés plus avant faire la guerre à d’autres peuples, le gouverneur décida de reprendre le chemin du Canada[3]. Le retour fut peut-être encore

  1. — D’après la relation anglaise déjà mentionnée, cette bourgade était celle de Corlaer, appelée ultérieurement Shenectady.
  2. — La même relation dit onze français, dont un lieutenant et ajoute qu’il y eut plusieurs blessés. Dans cette escarmouche, une avant-garde française de soixante hommes avait rencontré une bande iroquoise de deux cents guerriers, qui s’enfuirent à l’approche de M. de Courcelle.
  3. — Il laissa plusieurs de ses blessés et de ses malades aux soins des hollandais de Corlaer et d’Orange, qui leur témoignèrent beaucoup de bienveillance et d’humanité. — Toute