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DE LA NOUVELLE-FRANCE

là. Mais il avait tant à cœur de coloniser et de fortifier la colonie, que la raison d’intérêt public lui parut sans doute justifier suffisamment l’expropriation un peu sommaire qu’il opéra dans cette occasion. Les Jésuites furent froissés fort naturellement ; Talon, qui aimait peu la contradiction, ressentit quelque dépit de leur démarche. Et l’incident laissa planer sur leurs relations un léger nuage[1].

Durant ce même hiver de 1666, l’intendant, conformément à ses instructions, fit préparer un état complet de la population canadienne. Ce fut un dénombrement nominal, très détaillé, très minutieux. Lorsque l’on parcourt cette liste des habitants du Canada en 1666, ce n’est pas sans émotion que l’on y retrouve les noms d’un grand nombre de familles dont les descendants sont répandus aujourd’hui dans nos paroisses, dans les diverses provinces de notre confédération, et l’on pourrait dire dans toute l’Amérique du Nord. Ce recensement, fait sous la direction de Talon, forme l’un de nos documents historiques les plus intéressants et les plus instructifs. Dieu merci, il nous a été conservé, ainsi que plusieurs autres. L’original est à Paris aux archives coloniales, les archives d’Ottawa et de Québec en possèdent des copies[2].

  1. — On lit dans une lettre de Talon à Colbert datée du 27 octobre 1667 : « Je ne sais comme je suis avec les Pères Jésuites depuis que je leur ai fait perdre l’espérance qu’ils avaient que la seigneurie des terres que j’ai employées à former ces villages tournerait à leur profit, mais je sais qu’on m’assure qu’ils en ont mal au cœur. Cependant ils ont la prudence de n’en rien témoigner. »
  2. — M. Benjamin Sulte l’a reproduit in extenso, de même que ceux 1667 et de 1681, dans son Histoire des Canadiens-Français, volumes IV et V.