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DE LA NOUVELLE-FRANCE

argument que l’intendant aurait pu faire valoir, c’était qu’en 1663, un arrêt du Conseil d’État avait décrété que, dans six mois de sa publication au Canada, toutes les terres concédées devaient être défrichées, faute de quoi toutes celles qui resteraient alors non défrichées seraient retranchées des anciennes concessions pour être concédées soit aux anciens habitants, soit aux nouveaux[1]. Il est vrai que cet arrêt excessif n’avait guère reçu d’application, et, nous ne voyons nulle part que Talon en ait invoqué l’autorité. Toutefois il avait été rendu et rien n’indique qu’il eût été abrogé.

Malgré tout cela les Jésuites pouvaient soutenir que peu de seigneurs avaient fait autant qu’eux pour l’établissement de leurs fiefs, et ils avaient lieu de trouver bien rigoureuse la mesure qui leur enlevait sans compensation une partie de leurs terres.

— Talon ne se laissa pas arrêter par leur requête, et poursuivit l’exécution de son projet. Quelques mois plus tard il écrivait à Colbert : « Pour donner l’exemple des habitations rapprochées, j’ai entrepris de former trois villages dans le voisinage de Québec qui sont déjà bien avancés ; j’en destine deux pour les familles que vous avez dessein d’envoyer cette année et pour lesquelles l’instruction que j’ai reçue m’ordonne de préparer 40 habitations. Le troisième se forme par dix-huit personnes des plus considérables des troupes : M. de Chaumont[2], l’agent général de la compagnie, six capitaines du régiment de Carignan et dix subalternes, de même que le secrétaire de M. de Tracy entrepren-

  1. Édits et Ordonnances, vol. I, p. 33.
  2. — M. de Chaumont était l’aide de camp de M. de Tracy.