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DE LA NOUVELLE-FRANCE

esprits que je trouve abattus, jusqu’à ce que dans l’année prochaine Sa Majesté se soit mieux expliquée de ses intentions sur ce sujet, sur lequel je m’étendrai davantage dans mes premières dépêches… J’ai déjà commencé d’attrouper quelques gens pour travailler à la pêche, préparer des bois propres à faire quelques petits vaisseaux, et j’ai même, au défaut des denrées qui manquaient aux magasins de la compagnie avant l’arrivée du vaisseau de Dieppe, envoyé à Montréal une partie des marchandises que j’avais achetées pour mon compte, pour en faire ici des échanges, parce que l’argent n’y fait pas pour la subsistance des personnes ce qu’y font les denrées ; et j’ai joint de l’avis de M. de Tracy, quelques munitions tirées des magasins du roi, pour être distribuées au dit Montréal, au soulagement des habitants et cependant à l’utilité de Sa Majesté, puisqu’en retour je prétends recevoir du blé ou des légumes pour faire la subsistance du soldat, et même des peaux d’orignaux pour faire des grands canots bien plus sûrs à la navigation que ceux d’écorce. »

On voit que, dès le début, Talon était animé d’une sympathie médiocre pour la compagnie des Indes Occidentales, en tant que propriétaire et suzeraine de la Nouvelle-France. Il estimait que son monopole était contraire à l’avancement du pays, et il avait raison. Quelles que fussent les intentions du roi et du ministre, l’objectif principal des actionnaires était de faire de l’argent et de réaliser au plus tôt des bénéfices. Ils étaient impatients d’obtenir un rendement pour leurs déboursés, et l’on pouvait prévoir qu’ils se préoccuperaient moins de ce qui développerait et fortifierait la colonie que de ce qui leur apporterait des dividendes. La traite des