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DE LA NOUVELLE-FRANCE

pas été désavantageux. L’intendant faisait bien le geste de poser la main sur la garde du glaive gallican, mais avec la persuasion manifeste que, de sitôt, il n’aurait pas à dégainer.

Talon donnait ensuite à Colbert un bref aperçu du pays et de ses ressources : « Je remets, écrivait-il, au retour du vaisseau de Dieppe à vous informer pleinement de tous les avantages que Dieu pour sa gloire, et le roi pour son état peuvent espérer de ce pays ; cependant pour vous en donner un crayon grossier, j’aurai l’honneur de vous dire que le Canada est d’une très vaste étendue, que du côté du Nord je n’en connais pas les bornes tant elles sont éloignées de nous, et que du côté du Sud rien n’empêche qu’on ne porte le nom et les armes de Sa Majesté jusqu’à la Floride, les nouvelles Suède, Hollande et Angleterre, et que par la première de ces contrées on ne perce jusques au Mexique. Que tout ce pays, différemment arrosé par le fleuve St-Laurent et par de belles rivières qui se déchargent dans son lit par ses côtés, a ses communications par ces mêmes rivières avec plusieurs nations sauvages riches en pelleteries… Que le climat qui fait appréhender par ses grandes froidures la demeure du pays est si salubre cependant qu’on y est peu souvent malade et qu’on y vit très longuement ; que la terre, fort inégale à cause de ses montagnes et vallons, est surchargée d’arbres qui n’en font qu’une forêt, qui étouffent à mon sentiment de belles et riches productions. Sa fertilité pour les grains nous paraît par les récoltes abondantes que les terres découvertes et cultivées donnent dans chaque année, et d’autant mieux que ne recevant les semences qu’à la fin du mois d’avril jusqu’au 15 de