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TE SOUVIENS TU ?


SOUVENIRS D'UN VIEUX MILITAIRE,

PAR EMILE DEBRAUX.

DESSINS PAR M. TRIMOLET,

GRAVURES : 1ere ET 4 PLANCHES PAR M. BOILLY. 2eme et 3eme PAR M. NARGEOT. Air de Doche, père, avec accompagnement de piano par M. H. Colet.

NOTICE.

Les chansons qui naissent avec la circonstance meurent souvent avec elle. Rien n'est en France plus fugitif que l'enthousiasme. La mode, l'esprit de parti, le besoin de critiquer, font éclore chaque jour des productions que l'on porte aux nues ; puis une mode nouvelle arrive, un nouveau pouvoir s'élève, de nouveaux succès amenèrent de nouvelles critiques, et la Renommée, avec ses cent bouches et ses cent trompettes, n'a ni assez de voix ni assez de fanfares pour suffire à la consommation de vers et de chansons qui la poursuivent dans son vol rapide. L'opposition est le stimulant le plus fort pour éveiller l'esprit public : elle s'adresse a la malignité, au mécontentement, elle entoure les souvenirs d'une auréole brillante. La plus belle ode, dans les temps de victoire et de prospérité, passe inaperçue : on trouve à son encens un parfum de flatterie, à ses couleurs un vernis de servilité. La Henriade eut été bannie du vivant d'Henri IV. On reprochait à Louis XIV les prologues d'opéra qui chantaient ses victoires. Lorsque Napoléon était sur le trône, et maître de l'Europe, on glissa entre les odes des poètes louangeurs et le triomphe de Trajan, les refrains du Roi Dagobert et du Roi d'Yvetot. La Restauration survint, et la France qui avait eu l'air d'être lasse de gloire, se prit à en avoir la passion. Elle s'attendrit avec les Mésséniennes, et elle alla gémir au pied de la Colonne, qu'elle avait vue s'élever avec une sorte d'insouciance ; puis après s'être enroué a chanter le retour des lys et Bon, bon, bon, vive un Bourbon, l'on s'amusa de Roule ta bosse, roi Cotillon ; et de toutes sortes de gentillesses de même nature. Tant il est vrai qu on n'apprécie les choses que quand on les a perdues, et qu'on ne les aime souvent que quand il faut les regretter. Qu il nous vienne quelque jour un prince guerrier, nous entendrons bientôt l'éloge de la paix, dont il semble aujourd'hui que l'on ne jouisse qu'avec résignation. Quoi qu il en soit, les sentiments généreux et ce qu'ils produisent, survivent aux époques qui les ont fait naître. Emile Debraux ne fut pas un faux enthousiaste , ni un spéculateur d'opposition. Élève du lycée impérial, il y puisa cet esprit de patriotisme qu'on y inculquait à la jeunesse. En 1815, lorsque la trahison eut livré la France à l'étranger, il fut, comme tant d'autres, indigne des humiliations dont on accablait noire vieille armée, et le sentiment profond de la gloire qui s attachait aux exploits de nos soldats, lui inspira des chants dans lesquels il fit revivre tous les souvenirs propres à réveiller l'orgueil national. Déjà une main amie a tracé dans une précédente Notice (sur Fanfan la Tulipe, 11e Livraison), quelques lignes sur Emile Debraux, et a rendu justice a son talent, avec quelques restrictions sur les négligences de sa poésie ; mais il faut convenir que si, dans les sujets peu élevés, l'auteur a été simple et familier, dans ceux qui demandaient de la noblesse et de l'inspiration, il s'est montré plein d'âme, de verve et de poésie.