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SOUVENIRS NOCTURNES DE DEUX ÉPOUX
DU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.


Il avait plu toute la journée ; et n’ayant pu aller le soir faire leur partie de loto chez madame Caquet, sage-femme, rue des Martyrs, Monsieur et Madame Denis s’étaient couchés de bonne heure. Au bout de vingt-trois minutes, Madame Denis, qui ne dormait pas, impatientée du silence obstiné de son mari, qui n’avait pas cessé de lui tourner le dos, soupira trois fois, et prit la parole :


Air : Premier mois de mes amours.
Voir l’air noté à la suite des couplets)


Madame Denis.

    Quoi ! vous ne me dites rien ?
    Mon ami, ce n’est pas bien ;
    Jadis c’était différent ;
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en…
    J’étais sourde à vos discours,
    Et vous me parliez toujours.

Monsieur Denis, se retournant.

    Mais, m’amour, j’ai sur le corps
    Cinquante ans de plus qu’alors ;
    Car c’était en mil sept cent ;
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en…
    An premier de mes amours,
    Que ne durez-vous toujours !

Madame Denis, se ravisant.

    C’est de vous qu’en sept cent un
    Une anguille de Melun
    M’arriva si galamment !
Souvenez-vous-en, souvenez-vous-en…
    Avec des pruneaux de Tours
    Que je crois manger toujours.