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pelle de tristes souvenirs, n’en est pas moins pleine d’élévation et de poésie, et a mérité de survivre à son époque. Nous voulons parler de l’Hymne à l’Être suprême, dont les paroles ont surpassé en noblesse et en énergie celles de Chénier, dont la musique, due à la lyre de Gossec, se chante encore aujourd’hui dans nos temples catholiques, et dont la mélodie embellit les cantiques religieux.

La musique, dans notre recueil, est aussi agréablement variée que les paroles : si l’on y trouve de simples chansonnettes, des ponts-neufs, des airs faciles et naïfs, on y rencontre encore les chants délicieux de Grétry, de Dalayrac, de Della Maria, de Gaveaux, Méhul, J.-J. Rousseau, Boïeldieu, Monsigny, Pergolèze, Amédée de Beauplan, Gossec, Solié, Doche père, Pradher, etc.

À ces esprits graves et positifs, qui veulent trouver partout un but d’utilité, qu’il nous soit permis de faire observer qu’il aura bien aussi son utilité, ce recueil où la Chanson a pris sur le fait les mœurs, les usages, les opinions, les travers de chaque époque, cette histoire chantée de la vie guerrière et civile, publique et privée des Français. Le Comte Ory vous dira la licence des temps féodaux ; le Juif-Errant et l’Enfant prodigue la foi du peuple des siècles de croyance ; Vive Henri IV et Charmante Gabrielle vous rappelleront la popularité et les tendres faiblesses du bon roi. Ici le pacha Bonneval, dans ses couplets (Nous n’avons qu’un Temps à vivre), va résumer tout l’insouciant epicuréisme de la Régence ; là, deux Chansons satiriques de Lamotte et de Panard (Va- t-en voir s’ils viennent, Jean, et Jadis et Aujourd’hui) vous prouveront que déjà chez nos bons aïeux on regrettait le Bon vieux Temps. L’avènement de Louis XVI a-t-il ramené un instant des mœurs plus pures, on en retrouve le reflet dans les gracieuses pastorales du chantre d’Estelle et dans la Bergère de Fabre menant ses blancs moutons. Plus tard, Monsieur et Madame Denis vous retraceront dans leurs souvenirs nocturnes les mœurs et les antiques amours de la vieille bourgeoisie. Enfin, notre époque moderne vous offrira pour son tribut les malignes critiques du Roi d’Yvetot, le tableau si ingénieux et si vrai du Ménage de Garçon, de Paris à cinq heures du matin et cinq heures du soir.

Les Notices placées en tête de chaque Livraison complètent ce cours historique sans prétention. Ces Notices ont été confiées à la plume d’écrivains qui n’ont point épargné les recherches pour semer l’instruction dans des matières en apparence si frivoles. Les noms de MM. de Lamartine, Lacroix (Bibliophile Jacob), Leroux de Lincy, Du Mersan et Ourry, connus par des travaux sérieux et par leurs succès dans divers genres de littérature, sont une garantie des soins apportés à ces commentaires et de l’intérêt qu’ils offrent.

La collection de nos gravures fournit aussi d’utiles et curieux renseignements. La physionomie morale de chaque époque n’est pas la seule que nous ayons saisie : tout ce qui constitue les formes et l’extérieur, les costumes, vêtements, atours, armes, etc., en usage aux diverses époques, passent tour à tour sous