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et qui respirent le souffle aisé d’une assurance virile sont bientôt traversés par des rythmes et des motifs en zigzag, des harmonies et des timbres acérés où ricanent les railleries qui assaillent le héros. Un épisode plus tendre fait trêve à ses épreuves en y apportant les consolations de l’amour. Brève halte, après laquelle des fanfares appellent le héros au combat, non plus contre des railleurs, mais contre des ennemis. Après une lutte cruellement disputée, il s’endort dans la paix plutôt que dans la gloire. Le repos du sommeil éternel sera son seul triomphe : humilité dont le désenchantement contraste avec la fougue du départ…

Au cours de ce développement circulent quelques échos fragmentaires et fugaces de Don Juan[1], de Don Quichotte, de Macbeth et même de Till Eulenspiegel. À vrai dire un héros, qui tient, si peu que ce soit, de tous ceux-là, fait un personnage bien composite et décevant[2]. On comprend mieux que Saint-Saëns, dans son opéra Déjanire, dont Hercule est le protagoniste, reprenne le thème principal de la Jeunesse d’Hercule. Chez Richard Strauss ces souvenirs, à supposer que l’auditeur les saisisse et les reconnaisse, n’ont aucune portée objective. Ils font seulement de la Vie d’un héros le testament symphonique de l’auteur, héros lui-même — le plus souvent heureux et fêté — de l’art musical. De fait, la Vie d’un héros sera le dernier de ses poèmes musicaux, parmi lesquels ne se rangent ni la Symphonie domestique ni la Symphonie alpestre.


  1. Dont, hélas ! l’ « autre patrie » de la Favorite (voir plus haut, p. 63).
  2. Des échos analogues d’œuvres antérieures ne sont pas sans exemple chez Mozart, où ils offrent souvent un sens ironique. J’ai cru pouvoir, ailleurs (Mozart dans Mosart, Paris, Desclée de Brouwer) en relever et en interpréter quelques-uns.