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l’on sache si c’est sur la victoire d’Omphale ou celle d’Hercule. Un poème symphonique dans l’esprit du romantisme eût imposé une péroraison plus explicite.

Cette péroraison, nous la rencontrerons dans Phaéton, claire et éloquente à souhait. Ici l’élément descriptif et pittoresque est, comme le veut le sujet, plus brillant que dans le Rouet d’Omphale ; mais il est plus étroitement attaché au sens de l’œuvre. Le thème qui évoque la course du char flamboyant est admirable par l’union de sa ligne, dessinant la courbe même de l’arc-en-ciel, et de son rythme où sonne le sabot des chevaux au galop. Quand le progrès de ce motif si puissant a élevé jusqu’au zénith l’orgueilleux Phaéton, une fanfare des trompettes et des trombones semble proclamer son triomphe, mais les flammes de la lumière, gagnant tout le firmament, menacent d’embraser l’univers et Zeus abîme l’attelage de l’imprudent[1]. Du silence et de l’immobilité de sa chute s’élève, pour conclure, un thème de grave méditation, qui semble tirer la leçon de la catastrophe et de la punition. Le modèle s’en trouve moins peut-être dans tel ou tel poème symphonique de Liszt, comme la Bataille des Huns, que dans la légende, pour piano, de Saint François de Paule marchant sur les flots.

Des quatre poèmes symphoniques de Saint-Saëns, le plus populaire et le plus illustre reste la Danse macabre, qui mérite ce rang de faveur et de célébrité par son thème mordant, par la mélancolie âpre et sombre de son violon solo, par ses sonorités hallucinantes, par son écho mi-lugubre, mi-sarcastique du Dies iræ[2], par la netteté de son développement et son équilibre jusque dans la fantasmagorie. De tous les quatre, c’est pourtant peut-être celui auquel s’appliquerait le moins bien le titre de « poème symphonique ». Sans analogie thématique, mais par ressemblance de sujet et de structure, ne rappelle-t-il

  1. La mésaventure de l’Apprenti sorcier de Gœthe ramène au plan terrestre et à la bonhomie de la vie prosaïque la légende de Phaéton : tout naturellement le scherzo symphonique de Paul Dukas reproduira donc le plan de Phaéton, les nappes d’eau s’y répandant comme faisaient là les flots de l’incandescente lumière.
  2. Toujours l’exemple de la Symphonie fantastique.