Page:Chantavoine - Le Poème symphonique, 1950.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

analogie ni jusqu’à un parallélisme rigoureux[1]. Elle ne dépasse jamais une certaine limite, fût-ce au sens mathématique du terme. Elle conserve malgré tout un jeu, une marge qu’il ne faut pas réduire à l’excès par la contrainte, si l’on ne veut pas que l’assimilation devienne ici un de ces problèmes comme la quadrature du cercle ou la trisection de l’angle, dont l’insolubilité ne s’accuse jamais mieux que par une recherche trop minutieuse, par une poursuite trop acharnée de la solution, erreur que Richard Strauss, par exemple, n’a pas toujours évitée. Impressions visuelles, idées, souvenirs, symboles d’une part et impressions musicales d’autre part restent, en dépit de tout, sur deux plans différents ; d’un plan sur l’autre, il ne doit y avoir qu’une sorte de projection active et non un calque inerte.

D’autres dangers menacent le poème symphonique, dont l’un est la recherche du caractère, de l’accent, dans les thèmes, parfois au détriment de leur valeur intrinsèque ; inconvénient auquel la musique de théâtre — qui le connaît — remédie par le secours du spectacle et du geste. Mais dans la musique pure elle-même, la plus symphonique de toutes les symphonies — la cinquième de Beethoven — développe un motif en lui-même extrêmement pauvre et qui, chez tout autre, fût demeuré stérile…

Il arrive aussi que le poème symphonique, pour atteindre son objet et remplir son dessein, se doive à lui-même de ne pas reculer devant des développements ingrats : nous en trouvons des exemples, chez Liszt, dans le décousu d’Hamlet (ce sera bien autre chose, plus tard, chez Richard Strauss) et dans la prolixité de Ce qu’on entend sur la montagne. Mais il y a des auditeurs, même attentifs et relativement éclairés[2], que la

  1. Le parallélisme est d’ailleurs un principe stérile, puisque deux parallèles ne se touchent jamais, sinon à l’infini (ce qui est matière à une controverse éternelle) : seules, certaines courbes, qui gardent l’apparence du caprice, permettent un contact entre leurs points.
  2. Entre autres Eugène Delacroix (Journal, II, 154).