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bataille[1]. En cela, l’Héroïde funèbre n’est pas un tableau, mais vraiment un poème, sans élaboration conventionnelle ni représentative.

Hungaria ne chante pas la destinée individuelle de héros légendaires ou imaginaires tels que Prométhée ou Hamlet, historiques — ou à peu près — comme le Tasse ou Mazeppa. Elle condense l’épopée de tout un peuple, d’une façon beaucoup plus ample et plus précise à la fois que par une méditation de deuil comme l’Héroïde funèbre. Par sa date, elle se place au centre des étincelantes Rapsodies hongroises[2]. Elle emprunte au même fonds de chants ou de danses nationaux ses rythmes et ses thèmes. Mais elle est bien plus que ne serait l’une d’entre elles passant du piano à l’orchestre, comme la troisième revient dans la fière et nerveuse ballade chantée des Trois Tziganes. Les Rapsodies hongroises rayonnent déjà de poésie et de symbolisme. Comme les polonaises, les mazurkas et les valses pour Chopin, elles apportaient pour Liszt l’écho d’une patrie dont il était déraciné depuis l’enfance, mais à laquelle l’avait rattaché en 1840 une tournée triomphale, marquée par l’octroi du malencontreux « sabre d’honneur », alors si raillé, ce sabre qui va maintenant battre la mesure pour Hungaria[3]. L’œuvre a été écrite peu après 1849. Missolonghi, tombeau de Byron et où Delacroix a montré « la Grèce expirante », le Paris des « Trois Glorieuses » et de l’Héroïde funèbre, le Varsovie soulevé qui inspire les rafales de l’étude en ut mineur (op. 10, no 12) de Chopin, le Lyon

  1. Wagner ne s’y est pas trompé et ce motif de l’Héroïde funèbre :
    
\language "italiano"

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  indent = 0 \mm
  short-indent = 0 \mm
  line-width = 11 \cm
}

\relative do' {
  \key lab \major
  \clef bass
  \time 4/4
  \override Score.BarNumber.break-visibility = ##(#f #f #f)
  r2 r8. solb16[ la8 r16 sib16] | <la do>8[ r16 <sib reb!>16] <do mib>2( <re fa>4) | <mib solb>8 r8
}

    ne sera pas perdu pour le prélude du troisième acte de Tristan.

  2. Au point de vue de leur publication.
  3. Sur le réveil du patriotisme hongrois chez Liszt, voir ses Pages romantiques (Paris, F. Alcan, p. 233).