le sillage d’une altière gondole sur un noir canal, entre le bariolage fané des palais déchus. Lorsque le menuet, pimpant et pompeux, issu de l’introduction, peint la cour de Ferrare, il se contrepointe avec le motif altier du héros :
qui le traverse de son arrogance heureuse et semble ne s’y mêler que pour le dominer de la hauteur que lui assurent le génie et l’amour. Après de brefs développements où s’élèvent les assauts de la cabale et de l’adversité[1], le thème initial, dans le ton éclatant et nu d’ut majeur, prend un accent de triomphe pour la résurrection par la gloire :
L’essentiel du Tasso est donc l’opposition de son lamento et de son trionfo, opposition toute beethovénienne. Le plan lui-même reproduit, développé seulement avec plus d’ampleur, rempli avec plus d’abondance, le plan de Beethoven dans l’ouverture d’Egmont, qui — faut-il le rappeler ? — se termine, elle aussi, par la fanfare d’une apothéose posthume. Dans l’exécution même de ce plan, la présentation des contrastes successifs ou des contraires simultanés adopte deux procédés également familiers au Beethoven des dernières années : la « grande variation » et le contrepoint. Si Beethoven, sans l’afficher, mettait beaucoup de lui dans ses sonates et ses quatuors, Liszt non plus n’est pas absent de son Tasso. La « résidence »
- ↑ Au cours de ce développement paraît souvent la plainte d’une gamme chromatique descendante, dont on vante l’accent chez Bach (Liszt écrira plus tard de magnifiques Variations pour piano sur ce thème de Bach) ou chez Mozart : elle n’est pas moins expressive chez Liszt, ni moins classique.