souvenir. » Il y a parfois dans le français de Liszt quelques traces de germanisme[1]. Le terme de moment est pris ici par lui, non pas dans son sens passif et temporaire, mais instinctivement avec l’acception de principe actif, d’élément « moteur » que lui donne l’allemand, suivant d’ailleurs l’étymologie, puisque momentum vient de movere. Ce que retrace le poème de Liszt, ce ne sont pas tant des épisodes successifs dans la vie d’un personnage que les ressorts internes d’une destinée qu’il fera jouer, les vicissitudes de cette destinée se ramenant à l’opposition élémentaire des épreuves et de la glorification, lamento e trionfo.
Les éléments musicaux de cette opposition (rythmes, thèmes, harmonies, sonorités) sont d’une lumineuse éloquence, ses phrases, d’une ampleur et d’une clarté souveraines. Ce sera d’abord la majesté sévère, à la fois hautaine et simple, de la formule initiale :
qui bientôt, avec une adresse d’autant plus heureuse qu’elle est plus limpide et donne une impression de spontanéité aisée, passera dans le menuet, évocateur des fêtes de Ferrare :
C’est ensuite ce chant authentique des mariniers vénitiens où survit le souvenir du Tasse, ce chant dont la désolation traînante semble vraiment tirer derrière elle
- ↑ Sa mère était autrichienne ; l’allemand était sa langue maternelle et celle de ses premières années. Il l’a toujours pratiqué concurremment avec le français qui a été pourtant sa langue littéraire.