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nationalité, malgré un lambeau de la Marserllaise — mais la Marseillaise est devenue alors l’hymne universel de toute liberté soulevée —, la tragédie humaine de toute révolution. Ce sont encore des leçons données par le sens de la destinée humaine, dégagée de toute allusion historique ou individuelle, que chanteront les Préludes et les Idéals. Voici maintenant, dans Ce qu’on entend sur la montagne, la destinée humaine aux prises avec son cadre, la nature. Enfin, si la musique a été l’interprète de tous ces drames ou de tous ces symboles, il reste à en célébrer le pouvoir pur, absolu, s’épanouissant par lui-même et pour lui seul, soit dans l’exultation (Bruits de fête), soit dans la contemplation (Orphée).

Des douze « Poèmes symphoniques », la Bataille des Huns est, disions-nous, la plus proche de l’image. Elle veut traduire en musique l’idée qu’éveille le tableau de Kaulbach qui porte ce titre et montre, dans le désordre assez concerté de la bataille, un évêque surgissant, porteur d’une croix qu’il élève au-dessus de la mêlée et, triomphant du choc meurtrier, convertissant les combattants païens à la foi chrétienne. Kaulbach (1805-1874) est, avec Cornelius, Overbeck et Genelli, un des représentants les plus célèbres de cette école des « Nazaréens » qui étale sur de larges surfaces une peinture mince, ample, pâle et molle : on peut en chercher à peu près l’équivalent en France chez Chenavard et, avec plus de fadeur, chez Hippolyte Flandrin. Liszt, quand il s’en inspire, transporte ou garde dans sa musique quelque chose de ce style large, assurément, mais un peu sommaire[1].

S’agissant d’un tableau, un coup d’œil permet ici d’embrasser d’abord le sujet et ensuite de ne pas le perdre de vue à travers les phases d’un développement musical d’ailleurs très simple. Il débute par la ruée

  1. Nous le verrons de la sorte plus sourcilleux et plus fumeux avec Hugo, dans Ce qu’on entend sur la montagne, suave et abondant avec Lamartine dans les Préludes et — si nous passons de l’orchestre au piano — dans la Bénédiction de Dieu dans la solitude.