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43

Pè lou Seigneur, vos aria fai la feita ;
Vo leu aria à to copa la teita ;
Et poi, saria antra dan leu maison,
Et de leu bin aria prai à foison.

44

Vos avia dai pè devan sen Altesse
Que vo n’aria pedia ne tandresse,
Que vo volia tüa gran et peti,
Nos eitranglia et fare to mori.

45

On vo barra dé courdé apreiaye,
Que saron bin tordüe et bin felaye ;
U bin petou, salada de Gascon :
La courde u cou pè dezo le manton.

46

Tabazan vin an gran manifissance,
Et i leu fi à to la reverance ;
I tenivé le sapé à la man :
« Que venia-vo faré icè, galants ? »

47

"No vegnivon pè fare santa messa
A San Pirou, le pe yo de la vella,
A San Zarvai et poi à San Zarman ;
Ouai, san failli, monsu le Tabazan."

48

"Passa devan, ze vo la derai bella,
Quan vo sari u sonzon de l’eitiella !
U bin petou, y sara lou corbai.
Vade-vo pas cui vos attandon lai ? "

49

An vaiquia za onna terriblia tropa !
Lou vaide-vo lai qui son assanblia ora ?
En vo mezan, i santeron : "Cro, cro !
Vo chouanti bin lé ravé u barbo."

50

I desivon : "Santa Vierze Maria,
Qu’y vo plaisé de no avai pedia ! « 
Tabazan di : » La paciance me per,
Moda dansi onna allemande an l’er ! "

51

Que dera-t-ai, voutron Duc de Savoye ?
I meudera le béluar de l’Oye ;
Ze craye bin qu’i mourra de regret
De vo vi to pandu à on gibet.

52

Vos devria bin avai de la vergogne
De me vegni bailli tan de besogne,
Car ze m’an vai vo deiveti to nu,
Et vo faré à to montra le cu."

53

Y an avai yon qu’avai la barba rossa,
Que fi quasi rire tota la tropa ;
I desivé qu’i ne volive pas
Pè on valet, eitre tan yo monta.

54

Mai Tabazan, que perdive paciance,
Cheuta dessu, et poi aprè l’eitranglie :
"Mourta la béque, et mourta le venin !
Te ne faré zamai ne ma ne bin ! "

55

On leu trova dé beliet dan leu fatte,
Qu’is avion prai, afin qui lou sarmasse,
Mai le sarmo n’étive pas preu for
Pé lou povai garanti de la mor.

56

Is avion vu cori dé livre bliansse,
Dé petité asse bin que dé grande,
Que ne fassion que torna et veri:
Firon manqua le cœur à Dalbigni.

57

I priron bin onna tala épovanta
Que la Joanesse avoi tota la banda,
Vattevillé, poi aprè Dandelo,
Fouyivon to queman fon lou levro.

58

Sen Altessé asse bin s’anfouyive
Et coudavé qu’aprè lui on corrive,
Don il était queman désespéra,
Ne sassan plié de quin couté alla.


43. Pour les Seigneurs vous auriez fait la fête, vous leur auriez coupé la tête à tous, et puis vous seriez entrés dans leurs maisons et auriez pris à foison de leur bien.

44. Vous aviez promis devant son Altesse que vous n’auriez merci ni compassion, que vous vouliez tuer grands et petits, nous étrangler, et nous faire tous mourir.

45. On vous donnera des cordes apprêtées qui seront bien tordues et bien filées ; ou bien plutôt une salade de Gascon, la corde au cou par—dessous le menton.

46. Tabazan vint en grand costume, il leur fit à tous la reverence; il tenait son chapeau à la main:Que veniez vous faire ici, galants ?

47. — Nous venions pour faire chanter la messe à Saint Pierre, le plus haut de la ville, à Saint-Gervais, et puis à Saint-Germain ; oui, sans faute, monsieur le Tabazan.

48. — Passez devant, je vous la dirai belle, quand vous serez tout au haut de l’échelle; ou bien plutôt ce seront les corbeaux. Ne voyez-vous pas qu’ils vous attendent là ?

49. En voilà déjà une terrible troupe. Les voyez—vous là qui sont maintenant assemblés. En vous mangeant ils chanteront cro, cro, vous sentez bien les raves au barbet.

50. Ils disaient:Sainte vierge Marie, qu’il vous plaise d’avoir pitié de nous; Tabazan dit : la patience me manque venez danser une allemande en l’air.

51. Que dira-t-il votre duc de Savoie ? Il maudira le boulevard de l’Oie ; je crois bien qu’il mourra de regret de vous voir tous pendus à un gibet.

52. Vous devriez bien avoir honte de venir me donner tant de besogne, car je m’en vais vous déshabiller tout nus, et vous faire à tous montrer le cul.

53. Il y en avait un qui avait la barbe rousse, qui fit quasi rire toute la troupe ; il disait qu’il ne voulait pas être monté si haut par un valet.

54. Mais Tabazan, qui perdait patience, sauta dessus, et puis après l’étrangle : morte la bête et mort le venin, tu ne feras jamais ni mal ni bien.

55. On trouva dans leurs poches des billets qu’ils avaient pris en guise de charme ; mais le charme n’était pas assez fort pour pouvoir les garantir de la mort.

56. Ils avaient vu courir des lièvres blancs ; de petits aussi bien que de grands, qui ne faisaient que tourner et virer, firent manquer le cœur à d’Albigny.

57. Ils prirent bien une telle épouvante que La Jeunesse avec toute la bande, de Vatteville, puis après, Dandelot, fuyaient tous comme des levrauts.

58. Son Altesse aussi s’enfuyait ; il croyait qu’on courait après lui ; ce dont il était comme désesperé ne sachant plus de quel côté aller.