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Prends garde, chéri, de te prendre toi-même au piège et que ton chagrin ne me venge !

Laure.
Maison Rose, 8 septembre.
Cher ami,

Je t’envoie, au hasard, cette rose, et, cachée bien au fond du feuillage, cette épître amoureuse. Je ne sais où ni quand elles te parviendront. Peut-être que la fleur, lasse d’un tel voyage, n’aura déjà plus rien de sa beauté d’un jour, mais je pourrais juger que ma lettre n’aura rien perdu de son parfum d’amour.

Je voudrais te voir.

Laure.
Mardi, Minuit.

Si (?) mon petit mot vient t’éveiller, à l’heure où l’aurore commence, prends mon premier regard et mon premier baiser.

Laure.
Paris, mercredi, 12 septembre.

À méditer, Amie.

Jacques.

« … À cet être qui prend votre vie et votre pensée ne lui donnez que des restes d’âme et de caresses, que des miettes tombées du festin mangé par un autre. C’est la pire des douleurs humaines, c’est, des hontes ardentes, la plus dévorante ; vous êtes criminelle envers lui que vous adorez. Pâle victime, vous tremblez sous ses caresses, parce qu’elles ne sont pas assez pressantes pour vous faire oublier que vous avez été coupable autrefois. Envisagée des bras qui vous enlacent, de cette poitrine sur laquelle vous reposez une tête qui ne peut pas plus dormir que s’enivrer, votre vie écoulée avant de le connaître apparaît incessamment… »

(J. B. d’Aurevilly.Ce qui ne meurt pas.)
Maison Rose, 16 septembre, dimanche.

J’ai reçu, il y a trois jours, votre imprimé et n’en ai pas compris le sens. Vous êtes un méchant curieux qui se plaît à froisser l’amie qui s’est donnée à vous tout entière et confiante. Cherchez votre idéal dans un musée, vous trouverez sûrement une belle statue.

Laure.