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Il me suffit d’avoir appelé votre attention sur une circonstance bien remarquable dans le texte de Clément d’Alexandrie, et qui met hors de doute, non-seulement qu’il a fait mention des hiéroglyphes, phonétiques, mais même que le peu qu’il en a dit est conforme à ce que vos recherches vous ont fait découvrir.

Au reste, ce passage de Clément d’Alexandrie n’est pas le seul où l’on trouve la mention expresse de cet alphabet ; on peut encore citer ce texte de Plutarque :« Hermias dit qu’Hermès est l’inventeur des lettres en Égypte : aussi, pour représenter la première lettre [de leur alphabet], les Égyptiens figurent un ibis[1], cet oiseau appartenant à Hermès. Si On ne peut exprimer plus clairement la nature d’un hiéroglyphe phonétique, savoir, un son représenté par l’image d’un objet ; et il est digne d’attention que, dans votre alphabet, dressé indépendamment de ce passage, la lettre A est en effet exprimée par un oiseau, épervier, canard ou ibis ; c’est un point trop important pour que je ne vous le fasse pas remarquer.

On ne peut voir autre chose qu’une expression propre à l’écriture hiéroglyphique phonétique dans le passage de Manéthon, conservé par Josèphe : « Hycsos signifie rois pasteurs ; car hyc veut dire roi, dans la langue sacrée[2], et sos, pasteur, dans la langue vulgaire[3]. » Il est évident, d’après ce passage, que la langue sacrée ne se composait pas seulement d’images, mais qu’elle comprenait aussi des signes représentant des articulations, tels que ceux des hiéroglyphes phonétiques. On apprend aussi par-là que certains mots égyptiens composés étaient hybrides, c’est-à-dire, formés de deux mots tirés l’un de la langue vulgaire, l’autre de l’expression phonétique.

C’est encore à l’écriture des hiéroglyphes phonétiques que se rap-

  1. Διὸ καὶ τὸ τῶν γραμμάτων Αἰγύπτιοι πρῶτον ἴϐιν γράφουσιν, ὡς Ἑρμεῖ προσήκουσαν Sympos. IX, 3, pag. 945.
  2. Dans l’écriture sacrée, l’idée roi est en effet symboliquement rendue par l’uræus ou aspic ; et l’image de ce reptile, employée dans les groupes phonétiques, y exprime l’articulation  ; cette lettre, placée devant une seconde consonne, comme dans le mot Ⲕϣⲱⲥ, se prononçait Ikschos, suivant l’usage copte. Le mot ϣⲱⲥ schôs, que Manéthon écrit en grec Σως, existe encore dans les livres coptes ou livres écrits en langue vulgaire égyptienne, et y signifie en effet pasteur. — J. F. C.
  3. Τὸ γὰρ ΥΚ καθ’ ἱερὰν γλώσσαν βασιλέα σημαίνει· τὸ δὲ ΣΩΣ ποιμήν ἐστι καὶ ποιμέιες κατὰ τὴν κοινὴν διάλεκτον. Maneth. ap. Joseph, contr. Apion. p. 445.