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LE VAUTOUR,

EMBLÊME VIVANT DE NÉITH.
Planche 6 quater

La déesse Néith ou le principe féminin de l’univers, devait nécessairement avoir pour emblème propre l’animal qui, dans la croyance commune des Égyptiens, ne comptait aucun mâle dans son espèce. L’opinion vulgaire désigna le vautour. On disait, en effet, que tous les vautours étaient femelles, et qu’il n’y avait point de mâle parmi eux[1] ; que pour devenir féconds, ces oiseaux s’exposaient, pendant toute la durée des cinq jours épagomènes, à l’action du vent du nord, suivant Horapollon ; du vent du midi ou de l’est, suivant Ælien[2] ; que sa gestation durait cent vingt jours ; qu’il nourrissait ses petits pendant cent vingt autres jours ; qu’il se préparait enfin à une nouvelle gestation pendant une troisième période d’une égale durée ; de sorte qu’en y comprenant les cinq jours épagomènes consacrés à sa fécondation, cet oiseau distribuait régulièrement et d’une manière fixe les 365 jours dont se composait l’année civile des Égyptiens. On croyait aussi que le vautour donnait souvent le plus touchant exemple de tendresse maternelle, en se déchirant le sein pour nourrir ses petits de son propre sang, lorsqu’il ne trouvait rien pour leur subsistance[3].

De là vient que, contre l’opinion de toutes les nations occidentales, qui ne citent du vautour que sa féroce voracité, cet oiseau fut choisi par les Égyptiens pour le symbole du premier principe femelle, de la mère commune de tous les êtres, de la déesse Néith, qui, sur les monuments égyptiens, ne porte jamais d’autre nom dans ses légendes sacrées, que celui de déesse-mère ou de grande-mère, noms que l’on trouve également inscrits à côté du vautour son emblème spécial[4]. Enfin,

  1. Ælien, de Natura animal., liv. II, cap. 46. — Horapollon, hiéroglyph., liv. I, §. 11.
  2. Idem. Ibidem.
  3. Horapollon, liv. I, §. 11, pag. 22. Édit. de Pauw.
  4. Voyez la planche, légende nos 1 et 2. — Et suprà pl. 6 et 6 ter, ainsi que leur explication.