CNOUPHIS-NILUS.
La plupart des cosmogonies orientales admettent que l’eau existait antérieurement à l’organisation matérielle des autres parties du globe, dont les germes étaient confondus et entre-mêlés dans ce fluide. Plusieurs philosophes grecs ont aussi soutenu systématiquement que l’eau était le principe de toutes choses ; cette doctrine sortait, selon toute apparence, des sanctuaires de l’Égypte, où elle fut professée dans les temps même les plus reculés.
Les anciens Grecs donnaient au fluide primordial, à cette humidité (Ὑγρόν) mère et nourrice des êtres, le nom d’Océan[1] ; et les Égyptiens, suivant le témoignage formel de Diodore de Sicile, appelèrent ce même principe Nil (Νεῖλος), dénomination directement appliquée au grand fleuve qui arrosait leur pays[2].
Le Nil fut de tout temps, en effet, pour la terre d’Égypte, le véritable principe créateur et conservateur : c’est au limon annuellement apporté par ses eaux, que cette riche contrée doit son existence[3] ; c’est le Nil qui, en maintient et en renouvelle l’inépuisable fécondité ; aussi ce fleuve bienfaisant fut, non-seulement surnommé le Très-Saint, le Père et le Conservateur du pays[4], mais il fut encore regardé comme un dieu[5], et eut, en cette qualité, un culte et des prêtres[6].
Il y a plus : les Égyptiens considéraient le Nil comme une image sensible d’Ammon-Cnouphis, leur divinité suprême : le fleuve n’était pour eux qu’une manifestation réelle de ce dieu qui, sous une forme visible, vivifiait et conservait l’Égypte. De-là vient que les Grecs, pénétrés des doctrines égyptiennes, ont appelé le Nil, le Jupiter-Égyptien[7], et qu’Homère le qualifie de ΔΙΙΠΕΤΗΣ, c’est-à-dire, A Jove fluens.
- ↑ Diodore de Sicile, Hist. Biblioth., liv. I, P.12, D. Édit. Rhodoman.
- ↑ Idem, Ibid.
- ↑ Théophraste, voyez Porphyre, de Abstinentiâ, lib. II, §. 5.
- ↑ Hermès, Dialogue intitulé Asclepius.
- ↑ Décret des habitans de Busiris, voyez Recherches pour servir à l’Histoire de l’Égypte, par M. Letronne, p. 392, 397.
- ↑ Voyez Jablonsky, Pantheon Ægyptiorum, lib. IV, cap. I.
- ↑ Pind., Pyth., IV ; Parmenon de Byzance, apud Athen., V, p. 203, c.