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NATPHÉ ou NETPHÉ.

(rhéa.)
Planche 36

On a déja remarqué[1] qu’il exista en réalité, entre les mythes sacrés des Égyptiens et ceux des Grecs, des rapports beaucoup plus suivis que ne semblerait l’indiquer la diversité d’origine de langue ou de gouvernement des deux peuples, et surtout le peu d’analogie des formes choisies pour représenter chacun de leurs personnages mythiques. Cependant, si l’on a égard aux différences de temps, de races et de lieux, on s’apercevra bientôt que certaines parties de la mythologie des Grecs ne sont, et de l’aveu des Grecs eux-mêmes, que des mythes égyptiens plus ou moins complets, mais reproduits avec les modifications nécessaires pour les lier naturellement au système national des Hellènes ; de là vient que les anciens auteurs grecs, à partir d’Hérodote même, lorsqu’ils ont voulu parler des divinités de l’Égypte, se sont servis indifféremment et avec une assurance bien fondée du nom grec de la divinité correspondante dans les mythes grecs, au lieu d’employer le nom égyptien lui-même. Diodore seul nous avait parlé d’une Estia ou Vesta égyptienne ; Jablonski, s’étant flatté de retrouver l’ensemble du système religieux de l’Égypte dans le peu que les auteurs anciens ont laissé échapper sur cette matière, et s’imaginant expliquer tous les personnages mythiques par les divers états du Soleil et de la Lune, nia l’existence d’une divinité analogue à l’Estia des Grecs dans les mythes égyptiens, et ne reconnut pour divinités vraiment égyptiennes celles dont les Grecs avaient mentionné les noms égyptiens[2]. C’est en partant de ce principe, absolument faux, que ce savant a refusé d’admettre dans son Panthéon deux divinités égyptiennes assimilées par les Grecs à leurs Cronos et Rhéa, le Saturne et la Rhéa des Romains. Mais c’est à tort, et bien gratuitement, que Jablonski accuse les Grecs d’avoir donné, sans règle et sans motif, les noms propres de leurs divinités à celles des Égyptiens, et de ne suivre en cela que leur caprice ou leur convenance particulière ; enfin les auteurs et les monuments démontrent combien cet érudit était dans l’erreur, lorsqu’il affirme trop positivement que, quant à Rhéa, sœur et femme de Saturne, elle fut tout-à-fait inconnue aux Égyptiens[3], et que tout ce que les anciens ont dit d’une Rhéa égyptienne doit s’entendre de la déesse Athôr[4].

  1. Voyez l’explication de la planche 28 (B).
  2. Jablonski, Pantheon Ægyptiorum, liv. II, chap. 1, pag. 140 et 141.
  3. Quod vero ad Rheam attinet, quam Saturno et sororem et conjugem Græci adjungunt, ea Theologis Ægyptiorum, omnino incognita fuit. Idem, ibidem, page 141.
  4. Idem, ibidem.