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LE CYNOCÉPHALE,

EMBLÊME VIVANT DE THOTH.
Planche 30 (F)

L’un des emblêmes les plus connus du dieu Thoth ou le second Hermès, fut une grande espèce de singe que la ressemblance de sa tête avec celle d’un chien, fit nommer cynocéphale, Κυνοκέφαλος, par les Grecs qui, peut être en cette occasion, traduisirent tout simplement le nom égyptien de cet animal. Le cynocéphale fut consacré à Thoth, l’Hermès égyptien, l’inventeur des lettres, parce que, disait-on, une certaine classe de ces animaux connaissait réellement l’usage des lettres[1]. Cette croyance absurde semble s’être conservée fort long-temps en Égypte, puisqu’on lit dans un manuscrit copte-thébain du Musée Borgia[2], contenant le récit des actes de saint Barthélemy, que ce prédicateur de la foi quitta la religion des ichthyophages pour se rendre dans le pays des Parthes, accompagné de Christianus homme-cynocéphale (ⲣⲱⲙⲑ ⲛϩⲟⲛⲟⲩϩⲟⲟⲣ).

Aussitôt qu’un cynocéphale était introduit dans un temple de l’Égypte, un prêtre, dit Horapollon[1], lui présentait une tablette, un roseau et de l’encre, pour éprouver s’il était réellement de la race de ces cynocéphales qui connaissaient l’art de l’écriture. Quelque ridicule que soit cette assertion d’Horapollon, il n’en reste pas moins prouvé que tel était en effet le préjugé vulgaire, car les monuments offrent des représentations parfaitement analogues. On trouve, par exemple, parmi les sculptures qui décorent le grand temple d’Edfou, un bas-relief dessiné par la Commission d’Égypte, et représentant un cynocéphale assis dans l’acte de tracer des caractères sur une tablette à l’aide d’un roseau. On crut trouver outre cela, dans ce même animal, des rapports marqués avec les individus composant la caste sacerdotale, puisque, comme ceux-ci, il était circoncis, et s’abstenait surtout de manger du poisson[3]. Cette espèce de singe dut ainsi nécessairement devenir l’emblême vivant de Thoth, l’instituteur et le prototype de la caste sacerdotale.

  1. a et b Horapollon, liv. I, hiérogl. 14.
  2. Zoega, Catalog. Manuscript. Musæi Borgiani, pag. 235.
  3. Horapollon, liv. I, hiérogl. 14, pag. 28 et 30.