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L’IBIS,

EMBLÊME VIVANT DE THOTH LE SECOND HERMÈS.
Planche 30 (E)

L’instituteur des sciences et des arts, le dieu qui civilisa l’espèce humaine, avait pour emblême l’ibis, oiseau dont les archéologues et les naturalistes modernes ont eu beaucoup de peine à reconnaître le genre et l’espèce, puisqu’on le confondit d’abord avec le héron et la cigogne, malgré le nombre immense de ses images gravées sur les monuments égyptiens existants en Europe. Bruce et les savants de l’expédition française en Égypte, ont, depuis, retrouvé ce même oiseau vivant, en Éthiopie comme en Égypte. M. Cuvier lui a conservé le nom d’ibis, et l’a rangé dans le genre Numenius.

Les Égyptiens connurent deux espèces d’ibis qui, toutes deux, jouaient un rôle important dans les mythes sacrés. La première, l’ibis blanc, connu en Éthiopie sous le nom d’Abou-Hannès, et en Égypte sous celui d’Abou-Mengel, a une partie de la tête et toute la gorge dénuées de grandes plumes ; son plumage est blanc, à l’exception de la tête, du cou, de l’extrémité des ailes et de la queue, qui sont de couleur noire. Celui de la seconde espèce, l’ibis noir appelé Hareiz par les habitants actuels de l’Égypte, est d’un noir à reflets très-riches, verts et violets ; le dessous du corps est d’un noir cendré qui devient marron foncé dans les vieux individus[1]. L’ibis blanc était consacré à Thoth ainsi qu’à la Lune[2], astre dont ce dieu paraît avoir été considéré comme le régulateur : car, suivant le dire des Égyptiens, cet oiseau s’occupe de ses œufs pendant toute la durée de la croissance et de la décroissance de la Lune. Il accommodait son régime d’après ses phases ; on ajoutait même que ses intestins se resserraient toujours au déclin de l’astre, et reprenaient toutes leurs dimensions lorsque la Lune reparaissait brillante de toute sa lumière[3].

Comme le dieu Thoth, l’ibis affectionnait particulièrement l’Égypte ; il habitait de préférence cette contrée, la plus humide de toutes, de la même manière que Thoth avait fixé sa demeure dans la Lune, la plus humide des planètes, suivant les Égyptiens. Selon Ælien, si quelqu’un emportait de force ou par surprise un ibis hors de l’Égypte, cet oiseau se laissait mourir de faim, et se vengeait ainsi de ses ravisseurs, en leur montrant l’inutilité de leurs efforts pour l’éloigner du pays qu’il aime

  1. Hérodote, liv. II, § LXXVI. Savigny, Histoire naturelle et mythologique de l’lbis, pag. 19 et suiv., 36 et suiv.
  2. Clément d’Alexandrie, Strom., lib. V. Ælien, De Naturâ Animal., lib. II, cap. XXXVIII.
  3. Ælien, De Natur. Animal., lib. II, cap. XXXV et XXXVIII ; lib. X, cap. XXIX.