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THÔTH DEUX FOIS GRAND,

LE SECOND HERMÈS, EN RAPPORT AVEC LA LUNE.
Planche 30 (A)

Il paraîtrait, d’après le passage précité de Manéthon[1], que les deux Hermès portaient en langue égyptienne le nom de Θωθ Thôth, que les Grecs ont diversement écrit Θεῦθ et Θωὺθ. Cette dernière orthographe se rapproche évidemment plus que toute autre, de la manière dont les Égyptiens prononçaient ce mot, que nous trouvons en effet dans les livres coptes, sous la forme de θωουθ Thôout, comme étant le nom du premier mois de l’année égyptienne, mois éponyme de ce même dieu, ainsi que nous l’ont appris les anciens[2]. Si l’on adoptait la manière dont il est écrit dans les fragments de Manéthon, le nom Θωθ appartiendrait à la racine égyptienne Θωτ, Θωθ (ou Τωτ en dialecte thébain), qui signifie mêler, tempérer par un mélange ; et l’appellation Thôth, miscens, temperans, se rapporterait très-bien au premier Hermès qui, chargé de former les corps où devaient être renfermées les ames coupables, rendit la matière (Ὕλη), d’abord sèche et aride, susceptible de prendre les formes qu’il voulait lui donner, en la mêlant avec l’eau (κατἁ μίξιν ὔδατι)[3]. Mais le nom Thôout se rapporte sans aucun doute à la racine égyptienne θωουτ et θουωτ, qui signifie congregare, in unum colligere, et d’où dérivent θωουτι et θωουτς, mots qui exprimaient les colléges de prêtres, les réunions religieuses appelées panégyries par les Grecs. Les deux Thôout ou Hermès rassemblaient en effet dans eux-mêmes toutes les sciences divines et humaines, et leur nom s’explique bien naturellement encore par cet usage constant des prêtres égyptiens, d’attribuer religieusement à Thoth seul les découvertes scientifiques faites par tous les individus de la caste sacerdotale. Cette caste réunissait aussi dans son sein tous les genres de connaissances, et regardait à la fois Thoth et comme son instituteur, et comme sa propre image ou personnification dans les mythes sacrés.

L’ibis, oiseau dont les figures du second Hermès empruntent la tête, était consacré à ce dieu, parce qu’il fut, dans l’écriture hiéroglyphique, le signe symbolique de l’idée cœur (Καρδία)[4]. Les Égyptiens trouvaient,

  1. Manetho apud Syncell., Chronograph., pag. 40.
  2. Cicero, De Natura Deorum, lib. III, § XXII.
  3. Dialogue d’Isis et d’Horus, Voy. Joh. Stobæi, Eclog., lib. I. cap. II, pag. 948.
  4. Horapollo, Hiéroglyph., lib. I, § 36.