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BOUTO, LETÔ, LATONE, NYX,

LES TÉNÈBRES PREMIÈRES.
Planche 23

On remarque, parmi les innombrables images de personnages mythiques, sculptées sur les grands édifices de l’Égypte, celles d’une déesse dont la carnation est presque constamment verte : mais l’attribut particulier qui la distingue de Néith, d’Athyr, de Selk, d’Isis, et de toutes les autres divinités femelles des trois ordres, est la partie inférieure de la coiffure pschent ornée du lituus, qui couvre toujours sa tête. Son nom, en écriture sacrée, est composé d’un caractère symbolique présentant à l’œil la forme de deux arcs réunis et liés par leur partie convexe ; ces armes, quelquefois accompagnées de deux flèches croisées, sont suivies des signes caractéristiques du genre féminin.

En étudiant avec soin les légendes hiéroglyphiques tracées à côté de ces images, j’ai reconnu qu’elles se rapportaient, sans aucun doute, à deux personnages mythiques bien distincts, puisque on lit dans les unes les titres : Grande Mère génératrice du Soleil[1], ou bien Mère du Soleil[2] ; et dans les autres, ceux de Grande déesse Mère, fille du Soleil. Il est évident dans la théogonie égyptienne, il exista deux déesses qui eurent les mêmes attributs et presque le même nom : mais l’une, considérée comme mère du dieu Phré ou du Soleil père de tous les dieux du second ordre et aïeul de tous ceux du troisième, appartenait incontestablement à la classe des plus anciens dieux qui, au nombre de huit, formaient le premier et le plus haut degré de la hiérarchie céleste ; l’autre déesse, en sa qualité de fille du Soleil, était nécessairement rangée parmi les divinités du second ou du troisième ordre. Il est démontré en effet, par la comparaison des textes égyptiens en écriture sacrée, que l’ordre généalogique des divinités, fixe pour l’ordinaire le rang de chacune d’elles.

Les titres honorifiques portés par la déesse figurée sur notre planche 23, ne permettent point de douter que ce personnage ne jouât un rôle important dans les mythes sacrés de l’Égypte. La mère du Soleil ou du dieu Phrè, devait nécessairement appartenir à la première classe des dieux ; et si l’on recueille les documents que les anciens auteurs nous ont transmis sur la déesse égyptienne Bouto, il deviendra évident que cette même planche nous en offre l’image.

En effet, Hérodote nous apprend que Bouto fut une des plus anciennes divinités de l’Égypte, et qu’on la comptait au nombre des dieux du premier ordre (note 3). Les Grecs qui, en donnant aux divinités égyptiennes

  1. Voyez notre planche 23, lég. no 1.
  2. Statue gravée dans le Tome VII du musée Pio-Clémentin. (Pl. A des Preuves.)