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ANOUKÉ ou ANOUKI.

(anucis, anucès, istia, estia, vesta.)
Planche 20

Les savants qui jusques ici se sont occupés de la mythologie des Égyptiens, ont cru que ce peuple ne connut jamais de divinité dont les fonctions eussent quelque analogie avec l’Estia des Grecs, la Vesta des Romains. Ils appuyaient leur opinion sur l’autorité d’Hérodote, qui a dit en effet que les noms de Héra et d’Istia furent inconnus aux Égyptiens[1]. Mais le père de l’histoire ne parle que des noms seulement, sans prétendre, ni même insinuer, que les Égyptiens n’adorassent point de déesse dont les attributions eussent certains rapports avec celles de Héra et d’Istia de l’Olympe grec.

L’existence, dans l’ancienne religion égyptienne, d’une déesse que les Grecs postérieurs à Hérodote assimilèrent, à tort ou à raison, à leur Estia, est d’abord prouvée par le témoignage formel de Diodore de Sicile[2], qui nomme Estia parmi les divinités de l’Égypte.

L’importante inscription grecque découverte aux cataractes lève d’ailleurs toute incertitude à cet égard ; car ce texte curieux nous apprend non-seulement que la déesse Estia était adorée dans le temple égyptien de l’île sainte de Sétès, mais il nous fait encore connaître le nom égyptien de cette déesse : la dédicace porte en effet ΑΝΟΥΚΕΙ ΤΗΙ ΚΑΙ ΕΣΤΙΑΙ, à Anoukis qui est aussi Estia. Cette précieuse synonymie a suffi pour nous conduire à distinguer, sur les monuments d’ancien style égyptien, les images de la déesse Anouké ou Anouki, personnage mythique dans lequel les Grecs du temps d’Évergète II croyaient retrouver Estia, l’une de leurs divinités nationales.

Dans l’inscription des cataractes, Anouké est immédiatement nommée après Ammon-Chnouphis et après Saté, le Jupiter et la Junon des Égyptiens ; Osiris, Cronos, Hermès, ne sont mentionnés qu’après elle, et cela seul prouve le haut rang d’Anouké dans le Panthéon égyptien.

Ce rang distingué est démontré par les monuments originaux : deux bas-reliefs déja cités, rapportés de Thèbes par le comte de Belmore, et qui offrent la représentation des divinités de la famille d’Amon-Ra, nous montrent, conformément à l’inscription des cataractes, et dans le

  1. Livre II, § 50.
  2. Livre I, § 13.