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époques abandonnées jusqu’ici dans le vague des périodes fabuleuses, à cause du défaut total de documents, ou de l’incertitude extrême des traditions.

Ces bas-reliefs, immenses compositions, si remarquables par le grandiose de l’ensemble et l’incroyable variété des détails, si importants d’ailleurs par les légendes explicatives qui leur donnent un caractère tout à fait historique, offriront en même temps à notre curiosité les noms des peuples asiatiques rivaux de l’Égypte, qui lui disputaient la suprématie dans cet ancien monde politique encore inconnu, et dont l’histoire écrite abandonne à regret l’époque tout entière aux fictions des mythes héroïques. Ils fourniront les notions les plus précises sur les races d’hommes auxquelles appartenaient ces nations si diversifiées par les traits de la physionomie, par le costume, par la forme des armes et par les moyens d’attaque ou de défense. On estimera le degré d’avancement de chacun de ces peuples dans la civilisation et les commodités de la vie, d’après les tableaux sculptés ou peints, représentant soit des ambassades africaines ou asiatiques offrant de nombreux présents au monarque égyptien leur maître ou leur allié, soit le Pharaon lui-même qui, triomphant, dépose aux pieds des dieux de l’Égypte les productions naturelles des pays conquis, les produits de l’industrie et les richesses des vaincus, enfin les vases d’or et d’argent, admirables de forme et d’élégance, exécutés avec ces métaux précieux enlevés à l’ennemi.

On s’instruira bien mieux encore en étudiant les longues inscriptions sculptées sur les murailles du palais des rois, et contenant le détail circonstancié des expéditions militaires, le poids des pierreries et des divers métaux imposés sur l’ennemi, l’énumération des animaux domestiques, celle des denrées et des objets d’art que les pays conquis devaient régulièrement livrer au vainqueur. Ces inscriptions monumentales furent expliquées à Germanicus visitant les ruines de Thèbes, par les plus âgés d’entre les prêtres du pays ; elles existent encore en grande partie, et Tacite, racontant le séjour du fils adoptif de Tibère au milieu des débris de la vieille capitale des Pharaons, a donné du contenu de ces textes historiques une analyse surprenante par son exactitude : l’historien romain semble avoir écrit en ayant sous les yeux une traduction littérale de ces antiques textes ; je les ai retrouvés dans les décombres du palais de Karnac.

Sur le sol de l’Égypte, le nombre des monuments de tout genre échappés aux dévastations des siècles et des religions ennemies, est encore tel, qu’on peut y recueillir en abondance des témoignages directs de l’état