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hiéroglyphiques, celui de Ptolémée et celui de Bérénice ; mais cette analyse, faussée dans son principe, ne conduisit à aucune sorte de résultat, pas même pour la lecture d’un seul des noms propres sculptés en si grande abondance sur les monuments de l’Égypte.

La question relative à la nature élémentaire du système hiéroglyphique restait donc tout entière : les écritures égyptiennes procédaient-elles idéographiquement, ou bien exprimaient-elles les idées en notant le son même des mots ?

Mes travaux ont démontré que la vérité se trouvait précisément entre ces deux hypothèses extrêmes : c’est-à-dire que le système graphique égyptien tout entier employa simultanément des signes d’idées et des signes de sons ; que les caractères phonétiques, de même nature que les lettres de notre alphabet, loin de se borner à la seule expression des noms propres étrangers, formaient au contraire la partie la plus considérable des textes égyptiens hiéroglyphiques, hiératiques et démotiques, et y représentaient, en se combinant entre eux, les sons et les articulations des mots propres à la langue égyptienne parlée.

Ce point de fait fondamental, démontré et développé pour la première fois en 1824 dans mon ouvrage intitulé Précis du système hiéroglyphique[1], étant appliqué à une foule de monuments originaux, a reçu les confirmations les plus complètes et les moins attendues. Seize mois entiers passés au milieu des ruines de la Haute et de la Basse-Égypte, grâce à la munificence de notre gouvernement, n’ont apporté aucune sorte de modification à ce principe, dont j’ai eu tant et de si importantes occasions d’éprouver la certitude comme l’admirable fécondité.

Son application seule a pu me conduire à la lecture proprement dite des portions phonétiques, formant en réalité les trois quarts au moins de chaque texte hiéroglyphique : de là est résultée la pleine conviction que la langue égyptienne antique ne différait en rien d’essentiel de la langue vulgairement appelée copte ou cophthe ; que les mots égyptiens écrits en caractères hiéroglyphiques sur les monuments les plus antiques de Thèbes, et en caractères grecs dans les livres coptes, ont une valeur identique et ne diffèrent en général que par l’absence de certaines voyelles médiales, omises, selon la méthode orientale, dans l’orthographe primitive. Les caractères idéographiques ou symboliques, entremêlés aux caractères de son, devinrent plus distincts ; je pus saisir les lois

  1. Réimprimé en 1828.