Page:Champollion - Grammaire égyptienne, 1836.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.

progrès des études égyptiennes : la rareté des monuments originaux, et l’ignorance complète de la langue des anciens Égyptiens.

Dès le xviie siècle quelques cabinets renfermaient déjà un certain nombre d’objets d’art égyptiens de différents genres, envoyés en Europe par des agents consulaires, comme de simples objets de curiosité. La plupart de ces monuments provenaient de fouilles exécutées sur l’emplacement de Memphis ; c’étaient des amulettes, un petit nombre de bronzes, beaucoup de petites figurines en terre émaillée, images funéraires sorties en abondance des hypogées de Sakkara ; enfin quelques momies communes et fort peu remarquables sous le rapport de la décoration ou de la richesse des peintures. Plus tard on posséda des lambeaux de manuscrits égyptiens sur toile, des bandelettes couvertes de caractères sacrés, et des cercueils de momie en pierre dure, chargés de longues inscriptions hiéroglyphiques.

Ces divers objets appelèrent enfin l’attention des savants sur le système d’écriture des anciens Égyptiens. Les rares documents épars dans les auteurs grecs et latins, relatifs à la nature des signes graphiques employés par cette nation, excitaient encore plus la curiosité. On commença dès cette époque à rechercher les monuments figurés de l’Égypte ; on étudia les obélisques de Rome, récemment exhumés ou relevés par la munificence des pontifes, et l’archéologie s’enrichit ainsi d’une nouvelle branche, qui, toutefois, demeura long-temps stérile par la fausse direction que les érudits imprimèrent à leurs recherches.

Une critique rigoureusement épurée ne présidait point encore à l’étude des textes classiques sous le double rapport de l’histoire et de l’archéologie. On ne saisit point alors les importantes distinctions formellement établies par les auteurs anciens entre les différents systèmes d’écritures usités chez les Égyptiens. On généralisa trop ce que ces auteurs n’avaient affirmé que d’une certaine classe de signes seulement ; et dès lors les études égyptiennes dévièrent de plus en plus du but véritable, car, partant de faux aperçus, on mettait en fait que l’écriture égyptienne, dite hiéroglyphique, ne représentait nullement le son des mots de la langue parlée ; que tout caractère hiéroglyphique était le signe particulier d’une idée distincte ; enfin, que cette écriture ne procédait à la représentation des idées que par des symboles et des emblèmes.

De tels principes, auxquels des érudits de nos jours n’ont point encore renoncé, ouvraient à l’imagination un champ bien vaste, ou plutôt une carrière sans limites. Le jésuite Kircher s’y jeta, et, ne gardant au-