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propres triomphes : l’Égypte sera donc, à plus d’un titre, un sujet presque tout français.

Mais ce n’est point de notre temps seulement que l’Égypte est devenue un objet de recherches pour l’érudition moderne.

À l’époque de la Renaissance, l’Europe, si long-temps malheureuse par la violence des gouvernants et par la profonde ignorance des populations, s’efforça, en étudiant avec constance les écrits et les monuments de l’antiquité échappés aux barbares de races et de religions diverses, de s’approprier les idées, les sciences, les arts et les formes de civilisation des peuples qui brillèrent sur la terre avant l’invasion des hordes scythiques ; et si les nations modernes peuvent s’enorgueillir à bon droit de leurs lumières ou de leur bien-être matériel, on ne devra point l’oublier, c’est aux obscurs et longs travaux des lettrés, infatigables investigateurs des ruines du temps passé, que les sociétés européennes doivent la possession d’un précieux héritage, les leçons de l’expérience des peuples nos devanciers, la connaissance des principes fondamentaux des sciences, des arts et de l’industrie, que nous avons approfondis et développés d’une manière si merveilleuse.

L’histoire, dont le but marqué, le seul digne d’elle, est de présenter un tableau véridique des associations humaines qui marchèrent avant nous dans la carrière de la civilisation, embrasse une telle immensité de faits d’un ordre si différent et d’une nature si variée, qu’elle emprunte forcément le secours de tous les genres d’études, de celles même qui forment, en apparence du moins, des sciences tout à fait distinctes.

À leur tête se place la philologie prise dans un sens général, la philologie qui, procédant d’abord matériellement, fixe la valeur des mots et des caractères qui les représentent, et étudie le mécanisme des langues antiques.

Bientôt, s’élevant dans sa marche, cette science constate les rapports ou les différences du langage d’un peuple avec les idiomes de ses voisins, compare les mots, reconnaît les principes qui président à leurs combinaisons dans chaque famille de langues ou dans chaque langue en particulier, et nous conduisant ainsi à l’intelligence complète des monuments écrits des vieilles nations, nous initie dans le secret de leurs idées sociales, de leurs opinions religieuses ou philosophiques ; constate, énumère les événements survenus pendant leur existence politique, les retrouve, pour ainsi dire, avec la couleur locale et la nuance du moment, puisque ce sont en effet les anciens hommes qui nous parlent alors