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iſle, coſtoyant touſiours la bande du Nort tout proche terre, qui eſt baſſe & pleine de tous bons arbres, & en quantité, iuſques aux Trois Riuieres, où il commence d’y auoir temperature de temps quelque peu diſſemblable à celuy de Saincte Croix, d’autant que les arbres y ſont plus aduancez qu’en aucun lieu que i’euſſe encores veu. Des Trois Riuieres iuſques à Saincte Croix il y a quinze lieuës. En ceſte riuiere[1], il y a ſix iſles, trois deſquelles ſont fort petites, & les autres de quelques cinq à ſix cens pas de long, fort plaiſantes, & fertilles pour le peu qu’elles contiennent. Il y en a vne au milieu de laditte riuiere qui regarde le paſſage de celle de Canadas, & commande aux autres eſloignées de la terre, tant d’vn coſté que d’autre de quatre à cinq cens pas. Elle eſt eſleuée du co ſté du Su, & va quelque peu en baiſſant du coſté du Nort. Ce ſeroit à mon iugement vn lieu propre à habiter, & pourroit-on le fortifier promptement, car ſa ſcituation eſt forte de ſoy, & proche d’vn grand lac[2] qui n’en eſt qu’à quelques quatre lieuës ; lequel ioinct preſque la riuiere de Saguenay[3], ſelon le rapport des ſauuages, qui vont prés de cent lieuës au Nort,

  1. Le Saint-Maurice, auquel les auteurs ont le plus souvent donné le nom de Trois-Rivières, parce que les deux îles principales qui se trouvent à son embouchure le séparent en trois branches, appelées les Chenaux. « Nous nommaſmes icelle riuiere, » dit Jacques Cartier, « riuiere de Fouez, » et Lescarbot ajoute entre parenthèses : « Ie croy qu’il veut dire Foix » (Lesc., liv. III, ch. XVIII). Comme poste de traite, les Trois-Rivières étaient déjà connues, sous ce nom, depuis au moins 1598 : car, en 1599, lorsque M. Chauvin voulut s’établir à Tadoussac, Pont-Gravé « remonſtra audit ſieur Chauuin « pluſieurs fois qu’il falloit aller à mont ledit fleuue, où le lieu eſt plus commode à habiter, ayant eſté en vn autre voyage iuſques aux Trois Riuieres pour trouuer les Sauuages, afin de traiter auec eux » (édit. 1632, liv. I, ch. VI). Le nom sauvage des Trois-Rivières était Metaberoutin.
  2. Le lac Saint-Pierre.
  3. Le Saint-Maurice a sa source sur les mêmes hauteurs que pluſieurs des rivières qui se déchargent dans le lac Saint-Jean, considéré comme la source du Saguenay.