diſtante de Quebec de quinze lieuës ; c’eſt vne poincte baſſe, qui va en haulſant des deux coſtez. Le pays eſt beau & vny, & les terres meilleures qu’en lieu que i’euſſe veu, auec quantité de bois, mais fort peu de ſapins & cyprès. Il s’y trouue en quantité des vignes, poires, noyſettes, ceriſes, groiſelles rouges & vertes, & de certaines petites racines de la groſſeur d’vne petite noix reſſemblant au gouſt comme truffes, qui ſont trés-bonnes roties & bouillies. Toute ceſte terre eſt noire, ſans aucuns rochers, ſitnon qu’il y a grande quantité d’ardoiſe ; elle eſt fort tendre, & ſi elle eſtoit bien cultiuée, elle ſeroit de bon rapport.
Du coſté du Nort, il y a vne riuiere qui s’appelle Batiſcan, qui va fort auant en terre, par où quelques-fois les Algoumequins viennent ; & vne autre[1] du meſme coſté, à trois lieuës dudict Saincte Croix ſur le chemin de Quebec, qui eſt celle où fut Jacques Cartier au commencement de la deſcouuerture qu’il en feit, & ne paſſa point plus outre[2]. Laditte riuiere eſt plaiſante, & va aſſez auant dans les terres. Tout ce coſté du Nort eſt fort vny & aggreable.
- ↑ La rivière Jacques-Cartier, qui en effet se jette dans le fleuve à trois lieues environ de ce qu’on appelait alors la pointe de Sainte-Croix, aujourd’hui le Platon.
- ↑ L’auteur, qui probablement n’avait point encore vu les relations de Cartier, parle ici d’après les traditions ou les idées de ceux qui le pilotaient, et vraisemblablement de Pont-Gravé en particulier ; car la Chronologie Septénaire, qui semble prendre les inté-
« Croix s’appeloit lors Achelacy, deſtroit de la riuiere fort courant & dangereux… Or en toute ceſte riuiere, n’y a deſtroit depuis Quebecq iuſques au grand ſaut, qu’en ce lieu que maintenant on appelle Sainſte Croix, où on a transféré ce nom d’vn lieu à vn autre… » D’où l’on voit 1o que les navigateurs qui ont précédé Champlain croyaient que c’était en ce lieu qu’avait hiverné Cartier de 1535 à 1536 ; 2o que c’est ce qui leur a fait donner à ce même lieu le nom de Sainte-Croix. La cause probable de cette erreur est la ressemblance qu’on a cru voir entre le rapide du Richelieu, et ce « deſtroict dudict fleuue fort courant et parfond » dont parle Cartier, et qu’il faut entendre de Québec.