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cune loy parmy eux, ne ſçauent que c’eſt d’adorer & prier Dieu, & viuent la plus part comme beſtes brutes, & croy que promptement ils ſeroient reduicts bons chreſtiens, ſi l’on habitoit leur terre ; ce qu’ils deſireroient la plus part.

Ils ont parmy eux quelques ſauuages, qu’ils appellent Pilotoua[1], qui parlent au Diable viſiblement ; & leur dict ce qu’il faut qu’ils faſſent tant pour la guerre que pour autres choſes, & que s’il leur commandoit qu’ils allaſſent mettre en execution quelque entrepriſe, ou tuer vn François, ou vn autre de leur nation, ils obeïroient auſſi toſt à ſon commandement.

Auſſi ils croyent que tous les ſonges qu’ils font ſont veritables ; & de faict il y en a beaucoup qui diſent aueoir veu & ſongé choſes qui aduiennent ou aduiendront. Mais, pour en parler auec verité, ce ſont viſions du Diable, qui les trompe & ſeduict. Voilà toute la créance que i’ay pû apprendre d’eux, qui eſt beſtiale.

Tous ces peuples, ce ſont gens bien proportionnez de leurs corps, ſans aucune difformité ; ils ſont diſpos, & les femmes bien formées, remplies & potelées, de couleur baſanée, pour la quantité de certaine peinture dont ils ſe frottent, qui les faict deuenir oliuaſtres. Ils ſont habillez de peaux ; vne partie de leur corps eſt couuerte, & l’autre partie deſcouuerte. Mais l’hyuer ils remedient à tout, car ils ſont habillez de bonnes fourrures, comme

  1. Quoique Champlain ait pu tenir des sauvages le mot pilotoua ou pilotois, il paraît cependant qu’il leur est venu de la langue des Basques ; c’est du moins ce que dit le P. Biard (Relat. de la Nouv. Fr., édit. 1858, p. 17), en parlant de l’aoutmoin, « que les Baſques, dit-il, appellent Pilotois, c’eſt-à-dire, ſorcier. »