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Les Voyages de Champlain.

banne, & eſtoient eſloignées les vnes des autres quelques ſix pas, & chacune a ſon feu. Ils ſont aſſis des deux coſtez (comme i’ay dict cy-deſſus), auec chaſcun ſon eſcuelle d’eſcorce d’arbre : & lorſque la viande eſt cuitte, il y en a vn qui fait les partages à chaſcun dans leſdittes eſcuelles, où ils mangent fort ſalement ; car, quand ils ont les mains graſſes, ils les frottent à leurs cheueux ou bien au poil de leurs chiens, dont ils ont quantité pour la chaſſe. Premier que leur viande fuſt cuitte, il y en eut vn qui ſe leua, & print vn chien, & s’en alla ſaulter autour deſdittes chaudières d’vn bout de la cabanne à l’autre. Eſtant deuant le grand Sagamo, il ietta ſon chien à terre de force, & puis tous d’vne voix ils s’eſcrierent : Ho, ho, ho : ce qu’ayant faict, s’en alla aſſeoir à ſa place. En meſme inſtant, vn autre ſe leua, & feit le ſemblable, continuant touſiours iuſques à ce que la viande fut cuitte. Or, aprés auoir acheué leur tabagie, ils commencèrent à danſer, en prenant les teſtes de leurs ennemis, qui leur pendoient par derrière, en ſigne de reſiouïſſance. Il y en a vn ou deux qui chantent en accordant leurs voix par la meſure de leurs mains, qu’ils frappent ſur leurs genoux ; puis ils s’arreſtent quelquefois en s’eſcriant : Ho, ho, ho, & recommencent à danſer, en ſoufflant comme vn homme qui eſt hors d’haleine. Ils faiſoient cette reſiouïſſance pour la victoire par eux obtenue ſur les Irocois, dont ils auoient tué quelque cent, aux quels ils couperent les teſtes qu’ils auoient auec eux pour leur cérémonie. Ils eſtoient trois nations quand ils furent à la guerre, les Eſtechemins, Algoumequins & Monta-