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nouvelle compagnie[1] avaient su éviter la rencontre de la flotte anglaise. Malheureusement, M. de Roquemont, qui les conduisait, au lieu de se réfugier dans un des nombreux havres du golfe, où il pouvait attendre en sûreté que les Anglais fussent partis, remonta le fleuve, et se vit bientôt dans la nécessité de livrer un combat inégal, où il perdit du coup toute la ressource d’une colonie déjà prête à succomber.

Cette défaite jeta Champlain dans une grande perplexité. Québec se voyait menacé de la plus cruelle famine ; l’on ne pouvait maintenant espérer de secours que dans dix mois, et les sauvages avaient peine à suffire à leur propre subsistance. Cependant il ne se laissa point décourager. Il exhortait ses compagnons à la patience, et leur donnait lui-même l’exemple de l’abnégation, en se soumettant au même régime que les autres. Le peu de grain récolté par les Pères Récollets, par les Jésuites, par la famille Hébert, avec le produit de la pêche et de la chasse, procurèrent assez de vivres pour empêcher les habitants de mourir de faim pendant l’hiver. Afin que les pois et autres légumes pussent donner plus de nourriture, Champlain, ingénieux à profiter de tout, imagina de les faire piler dans des mortiers de bois.

Le travail était long et pénible, pour des hommes exténués par la disette ; il eut la pensée de faire

  1. Cette nouvelle compagnie, formée (1627) par le cardinal de Richelieu, avait pris le titre de Compagnie de la Nouvelle-France ; on l’a appelée aussi compagnie des Cent-Associés. Fondée sur des bases plus larges que les précédentes, cette puissante société donna, dès que le pays fut remis à la France, un nouvel élan à la colonisation, au défrichement des terres, et à la conversion des sauvages. Champlain en fit partie plus tard. (Du Creux, Hist. Canadensis.)