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À BAR-LE-DUC, AU BAPTÊME

Français missent la Lorraine en tel état qu’elle n’y eût plus d’autorité.

Charles IX s’était cependant rendu à sa rencontre, au-delà des murs de la ville ; et il avait mis pied à terre pour la saluer. Quand la duchesse arriva devant la reine, une de ses femmes portait la queue de sa robe. On lui dit, par courtoisie, que la chose n’était pas admissible, qu’il convenait à un homme de porter sa traine !

La cérémonie du baptême eut lieu le 7 mai. La reine-mère avait le roi son fils à sa droite, le comte de Mansfeld à sa gauche. Et elle donna au petit, le nom si cher de Henri. Don Francès, incliné, passait à Mme Claude de Lorraine, la bague, qui était le présent de Sa Majesté Catholique ; la duchesse la reçut avec une joie visible. Alors Catherine tendait à sa fille une ceinture ornée de très grosses émeraudes. Mais le Rhingrave, invité, colonel des Allemands, dit à Mansfeld « Par ma foi, les meilleures de ces émeraudes, je les ai vendues : ce sont celles que j’avais gagnées aux guerres passées dans les églises ! »

Ainsi devisaient ces hommes d’armes. La reine-mère rayonnait de joie. Elle disait au cardinal de Lorraine, qui faisait ici le majordome : « Montrez ce petiot », qui était, en vérité, très gentil. Catherine de Médicis et Charles IX lui faisaient toutes sortes de sourires, la reine-mère parce qu’elle retrouvait ses yeux dans les yeux de l’enfant ; Charles, parce qu’il lui faisait risette toutes les fois qu’il venait le voir.

La reine-mère se tourna tout à coup vers don Francès : « Le prince de Condé sera ici dans deux jours, mais c’est pour rencontrer sa femme, qui est bien mal, car l’on croit qu’elle va mourir… »

Catherine de Médicis ajouta :

— Suivez-moi, je vais vous montrer le logement de mon fils.

C’était une façon de le retenir.

La femme du prince de Condé était la pieuse, douce et charitable réformée, Éléonore de Roye. Quant au prince, Louis de Bourbon, aussi peu sérieux que sa femme était grave, mais bon soldat, brave Bourbon en cela, peu sûr de parole, c’était le singulier petit homme dont les partisans avaient fait un chef de parti ; il les suivait plutôt qu’il n’était suivi, mais en souriant — sans aucune austérité, le premier gentilhomme de France, le premier du sang entré dans une querelle de famille, comme héritier victime de la vieille rapacité des Valois.