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CATHERINE DE MÉDICIS

Le duc de Lorraine était Charles III, alors âgé de vingt-et-un an, pris comme otage lors de la conquête des Trois Evêchés par Henri II, et qui avait été élevé avec les enfants de France. Mais en 1559, le roi de France lui avait donné pour épouse sa fille, Claude. Et Charles de Lorraine avait repris le chemin de ses états, retrouvant sa mère Christine de Danemark, la nièce de Charles-Quint, la belle veuve dont la reine-mère disait : « Voilà la plus glorieuse femme que je vis jamais. » Prince sage et lettré, s’il en fut, Charles III respectait Catherine de Médicis comme sa propre mère. Quant au comte Pierre Ernest de Mansfeld, qui va représenter au baptême le roi Philippe II, c’était un vaillant et austère soldat, huguenot d’origine prussienne au service du Roi Catholique. Pierre Ernest connaissait d’ailleurs bien la France. Fait prisonnier à Ivoy, il avait été retenu captif au donjon de Vincennes par le connétable de Montmorency pendant cinq ans (1552-1557), jusqu’au paiement de sa rançon. Mansfeld avait pris sa revanche à Saint-Quentin, où grièvement blessé, il avait tant contribué à la terrible défaite infligée à l’armée française : à son tour, Mansfeld avait retenu Montmorency prisonnier. Aujourd’hui, les deux hommes se rencontraient à un baptême !

Car c’est là tout le drame de la maison et de la terre de Lorraine, cette affinité avec la maison et le pays de France, contrariée par l’amour de l’indépendance, et que symbolise ici une fille de France entourée des adversaires résolus du pays.

Le comte de Mansfeld arriva en grognant : « Comment ? ni le roi ni le duc n’ont envoyé personne au-devant de moi pour me montrer la route si mauvaise, où je ne savais que faire !… Ah ! ces Français !… »

Mansfeld les détestait en effet, non sans motif personnel.

Don Francès le calma, l’exhortant à se montrer plus attentif à garder la dignité d’une charge que lui avait confiée le Roi Catholique.

La duchesse de Lorraine, la mère, Christine de Danemark, arriva le 6. On était allé à sa rencontre, à quatre lieues de Bar. Elle aussi semblait fatiguée et mécontente : don Françès essaya de la réconforter, lui disant que tout le monde ici l’aimait, sans oublier le Roi Catholique.

Il pensait : Combien il serait utile pour Philippe II d’avoir auprès de la douairière une personne qui pût la conseiller ! Car elle semblait fort désemparée, craignant par-dessus tout que les