Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439
LE TESTAMENT DE DON FRANCÈS

hérétiques, c’est-à-dire les réformés ; et l’accueil, plutôt dur et défavorable qu’il leur réservait jadis, s’était mué en douceur et affabilité.

Durant ces deux dernières années, don Francès l’observait : on avait travaillé avec tant d’insistance Charles IX pour le brouiller avec le Roi Catholique, que jamais plus on ne l’avait entendu dire du bien de Philippe II, ni des services qu’il lui avait rendus, comme il avait l’habitude de le faire auparavant. Même avec l’ambassadeur, Charles IX avait complètement changé. Jamais il ne parlait plus, comme il le faisait autrefois, de la bonne amitié et fraternité que Sa Majesté Catholique lui montrait, et ne louait les services qu’elle lui avait rendus. Jamais il n’évoquait ses « conseils paternels », comme il disait jadis. Charles IX semblait à don Francès être un homme capable d’apprendre par cœur ce qui lui avait été donné par écrit, de faire deux ou trois réponses brèves et de peu de substance, car sa mémoire n’était pas bonne ; puis il exécutait ce qu’il avait promis. Le roi divulguait d’ailleurs tout ce qu’on lui avait confié en secret, surtout à sa mère. Et si quelque désaccord naissait entre eux deux, Catherine attendait le jour où le roi était résolu d’aller à la chasse pour lui envoyer dire qu’il devait, ce jour-là, se rendre au conseil. Alors on le voyait se désespérer, pousser des cris, et il était facile d’obtenir de lui en cet instant tout ce qu’on voulait, pourvu qu’on le laissât partir joyeusement à la chasse.

C’était sa passion, incroyable ; et Charles IX était capable de suivre un cerf à la trace de son pied pendant cinq ou six heures. Récemment on l’avait vu rester deux ou trois nuits hors de sa maison, ce qui avait fait beaucoup pleurer la Reine très Chrétienne (Elisabeth d’Autriche). Mais quand on l’interrogeait, cet ange de bonté répondait seulement : « J’ai peur qu’on ne fasse un jour quelque mal à mon mari ! »

Hélas, il avait pris l’habitude de jurer à tout propos le nom de Dieu, de faire le brave, oubliant celui de Jésus qu’il avait eu précédemment à la bouche ! Et celui qui lui avait appris à le faire était un gentilhomme du conseil, Chèvres, qui le faisait habituellement, et cela à la persuasion de la reine-mère, à ce qu’on disait.

Charles IX s’était plusieurs fois brouillé avec le duc d’Anjou : « En France, il ne peut exister deux rois. Mon frère, il est nécessaire que vous quittiez mon royaume pour chercher une autre couronne ; quant à moi, j’ai déjà l’âge de me gouverner moi-même. » L’autre