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CATHERINE DE MÉDICIS

dans nos ports. Sur la guerre de Flandre, il renseignait avec zèle son maître et le duc d’Albe. Toutefois en Flandre il se montrait adversaire de la violence[1], si en France il était partisan de la répression. Car il fallait conserver en paix les Pays-Bas et troubler notre pays. Ainsi nos passions commandent à notre conscience et déterminent notre jugement. En 1571, sur le point de quitter la France, l’ambassadeur rédigea pour celui qui devait lui succéder chez nous, une longue instruction, qui est comme le testament de don Francès.

Ce document, d’une valeur psychologique admirable, est comme la conclusion du voyage que nous venons de faire ensemble.

Il nous donne le meilleur, le plus étonnant des portraits de cette cour de France à la veille de la Saint-Barthélemy, des hommes que sont devenus les enfants royaux.

Car Charles IX est maintenant un homme. Mais il est resté mélancolique, triste, passionné surtout pour les exercices physiques exténuants : sauter, faire de la gymnastique, manier des armes à pied ou à cheval ; et il se montrait toujours joyeux quand on lui disait qu’il les accomplissait très bravement. N’aimant certainement pas les femmes, Charles IX était mauvais galant avec la sienne, un ange de douceur, de patience, d’amour, cette Elisabeth d’Autriche qu’il avait épousée, et que nous avons rencontrée comme sa fiancée probable.

De sa chambre, Charles IX n’aimait personne. Il avait favorisé le comte de Retz, parce que sa mère l’aimait beaucoup. Mais le roi avait confié à don Francès son mépris pour les Italiens : « Si je pouvais me débarrasser de ce Perron qu’on appelle Retz, je ne consentirais à reprendre dans ma maison aucun Italien… » Il y avait deux ans de cela, Charles IX s’était montré très catholique dans ses faits et ses paroles. Mais sa mère, puis les catholiques et les huguenots lui ayant martelé tous les jours la tête pour qu’il se montrât souple dans les choses de notre sainte foi, afin d’arranger les affaires de son royaume et de sa couronne, il avait perdu un peu de sa dévotion, de l’attention avec laquelle il assistait auparavant à la messe et autres offices. Le roi ne prêtait l’oreille ni aux religieux ni aux pauvres gens venus pour lui parler. Par contre il écoutait volontiers ceux que don Francès nomme toujours les

  1. On le verra en Espagne prendre la même attitude vis-à-vis du refoule. ment des Maures.